Lillian Ross, "Toujours sur la brèche" (Éditions du sous-sol) : Dernières nouvelles du monde

Lillian Ross - Photo DR

Lillian Ross, "Toujours sur la brèche" (Éditions du sous-sol) : Dernières nouvelles du monde

Ce recueil d'articles présente le monde vu et vécu par <b>Lillian Ross</b>, l'une des plumes historiques du <i>New Yorker</i>, durant sa vie de journaliste. 

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Par Olivier Mony,
Créé le 21.05.2022 à 13h00

Il n'y a pas d'école de journalisme ; il n'y a d'école que de la curiosité. Si tant est toutefois que l'on puisse jamais apprendre à voir, apprendre à écouter. Alors, si l'on a la chance d'être doté de ce don, de ce goût, l'intendance suivra. C'est-à-dire, l'écriture. En la matière, les grands auteurs américains de ce que l'on appelle la narrative nonfiction, de Joan Didion à Gay Talese, George Plimpton ou Joseph Mitchell, ont fait mieux et plus que donner l'exemple. L'école du New Yorker en somme, qui est d'abord une école du regard.

En ce sens, il sera vivement recommandé à tout apprenti plumitif, que son goût le porte vers la littérature ou les journaux, d'avoir un usage immodéré, comme celui du plus précieux des manuels scolaires, de Toujours sur la brèche, recueil d'articles de Lillian Ross (1918-2017) rédigés au long de sept décennies de fréquentation toujours joyeuse du journalisme autant que du prestigieux magazine new-yorkais sus-cité.

Qu'y trouve-t-on ? Tout un monde en vérité, charmant, désordonné, indocile, saisi dans la grâce d'un présent perpétuel et toujours comme magnifié par l'acuité autant que la bonté de la vision qu'en a la portraitiste. Exemple avec cette pièce maîtresse du volume intitulée « Qu'est-ce que vous en dites, Messieurs ? » Peut-être n'a-t-on jamais saisi Ernest Hemingway ainsi, dans sa vérité comme dans son humanité de grand fauve sur qui descend le soir. De passage à New York, dans un palace de la ville, « Papa » grommelle, bougonne, picole sec, mange des huîtres, reçoit la visite de Marlene Dietrich, de son fils et de son éditeur, va s'acheter un imperméable et se promet de boxer encore. Tout le reste du livre est à l'avenant. C'est un certain art de vivre et sa façon de le raconter à la new-yorkaise qui sont ici exposés. Sous la plume inspirée de Ross passent des stars du cinéma (Chaplin, Fellini, Huston, Pacino, Julie Andrews, Eastwood) et autres (Chanel, John McEnroe...), et autant d'anonymes appelés à ne pas le rester : un torero natif de Brooklyn, une maîtresse d'école à Central Park... Aux uns et aux autres, Lillian Ross accorde la même attention, la même capacité à susciter l'émerveillement. Elle saisit chacun, loin de tout folklore, comme rendu enfin à lui-même dans un premier temps et, dans un deuxième, au lecteur. Louée à travers les années par des maîtres aussi différents et avisés que J.D. Salinger, Martin Scorsese ou Wes Anderson, elle compose le tableau des époques qui tient certes parfois de la foire aux vanités, mais plus sûrement d'un petit et précieux cirque ambulant. Il était temps que les lecteurs français en soient informés.

Lillian Ross
Toujours sur la brèche Traduit de l’anglais (États-Unis) par Vincent Raynaud
Éditions du sous-sol
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 26 € ; 448 p.
ISBN: 9782364683617

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