Manga : l’année des héros

"2016 a montré que le marché n’était pas figé sur trois séries fétiches qui trustaient tout." Grégoire Hellot, Kurokawa - Photo Olivier Dion

Manga : l’année des héros

Si la série Naruto s’est arrêtée en novembre, le secteur du manga s’est régénéré avec le lancement fulgurant de quatre blockbusters chez des éditeurs challengers qui redessinent le paysage éditorial et tirent l’ensemble du marché.

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Par Anne-Laure Walter,
avec Créé le 20.01.2017 à 00h35

Depuis que le marché du manga dispose de chiffres, c’est la première année que quatre séries voient un premier tome dépasser les 50 000 exemplaires. Les démarrages de One-punch man (Kurokawa), My hero academia (Ki-oon), Platinum end (Kazé) et Ki & Hi (manga français édité par Michel Lafon) ont été fulgurants pour leurs éditeurs, qui n’étaient pas les leaders du marché, les Japonais ayant favorisé les challengers dans l’attribution des licences. Ki & Hi fait exception puisqu’il s’agit d’une création française. Si, pour les heureux élus, l’année 2016 se termine sur une progression de 20 à 30 % du chiffre d’affaires, tous les éditeurs - à l’exception de Pika qui se stabilise - progressent, et le rayon termine 2016 à + 10,5 % selon GFK.

"2016 a montré que le marché n’était pas figé sur trois séries fétiches qui trustaient tout", analyse Grégoire Hellot, directeur de collection chez Kurokawa. Pendant des années, seules les très longues séries One piece, Naruto et Fairy tail colonisaient les meilleures ventes. Même si les écoulements restaient élevés, une forme de lassitude et surtout d’absence de curiosité s’était instillée chez les lecteurs. "Alors que Naruto s’arrête, de nouvelles séries ont trouvé leur place. Le renouvellement est bon pour tout le marché, car certaines personnes avaient délaissé le manga par ennui", constate Christel Hoolans, directrice éditoriale de Kana qui programme, outre Boruto, dans l’univers Naruto, une quinzaine de lancements en 2017.

Retour aux fondamentaux

Pendant les cinq années de contraction du marché, qui a redémarré en 2015, les professionnels du secteur ont travaillé à élargir le lectorat en ciblant les premières lectures et les lecteurs de bande dessinée franco-belge. Mais le marché s’est régénéré par ses fondamentaux : le shonen (manga pour enfants et adolescents). "Le shonen, c’est l’équivalent du blockbuster américain au cinéma. Il représente toujours 60 à 65 % du marché, et a retrouvé la place qu’il avait un peu perdue", précise Ahmed Agne, P-DG de Ki-oon. Kazé, filiale française de Shueisha et Shogakukan, annonce un "retour à nos bases sur un axe shonen/seinen, le point fort de nos sociétés mères", selon son directeur éditorial Pierre Valls. En juin, arrivera ainsi Fire punch, nouveau phénomène au Japon, d’abord publié sur un site gratuit de Shueisha. Pierre Valls prévoit une production réduite centrée sur 160 volumes pour se focaliser sur quelques lancements. Une personne supplémentaire a été embauchée au marketing de Kazé à cet effet.

Car les éditeurs ont appris de leurs erreurs. "Les rythmes de parution se sont calmés, confirme Christel Hoolans. Avant, un nouveau tome d’une série arrivait tous les deux mois en librairie, aujourd’hui on se concentre tous sur trois par an." Si l’Espagne a publié quasiment tous les tomes disponibles de One-punch man, Kurokawa distille les volumes à un "rythme raisonnable" pour "donner un rendez-vous régulier en librairie au lecteur", ajoute Grégoire Hellot. Et le travail d’élargissement du lectorat se poursuit. Outre ses séries phares L’attaque des titans ou GTO, qui va fêter ses 20 ans, Pika a fait de cette ouverture un de ses grands axes de 2017 après la mise en place en 2016 de trois nouvelles branches : la jeunesse avec le rachat de Nobi Nobi ! et le lancement en mai de mangas Disney (La belle et la bête), Pika Romans pour prolonger les univers de la maison et Pika Graphic "passerelle vers la BD asiatique", selon Virginie Daudin, la directrice éditoriale. La collection qui avait accueilli des traductions du chinois aura des titres japonais en 2017.

Ki-oon lance aussi une nouvelle collection en mars, "Kizuna" ("le lien"), qui a pour but de sortir des segments traditionnels seinen/shojo ou kids pour proposer des séries à vocation universelle, grand public, pour tous les âges comme Bride stories ou Cesare qui, à défaut, étaient classées en seinen. "Kizuna" sera inaugurée par Reine d’Egypte, une fresque historique consacrée à Hatchepsout. Enfin, Kana travaille à prolonger la vie de ses séries par un travail de recrutement car, comme le lance Christel Hoolans, "en manga, quand une série est finie, elle est morte". "Nous essayons donc de garder une série sur la longueur pour en faire un classique comme Death note, Monster ou Naruto", précise la directrice éditoriale qui, pour les 20 ans de la maison en 2016, a privilégié une opération de recrutement avec la mise en vente des tomes 1 à 3 à 3 euros, entraînant une progression de 50 % du fonds.

20.01 2017

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