5 novembre > BD Belgique

Samaris, Urbicande, Armilia et même Brüsel sont loin. Avec Revoir Paris, un diptyque dont le deuxième volet, malheureusement, ne paraîtra qu’en mars 2016, le solide duo formé depuis trente ans par François Schuiten au dessin et Benoît Peeters au scénario fait un pas de côté par rapport à l’univers de ses fameuses Cités obscures. On y retrouve le futurisme rétro influencé par Jules Verne et Albert Robida, qui fait le charme de la série et de ses multiples déclinaisons éditoriales, scénographiques, audiovisuelles et multimédias. Mais celui-ci s’incarne dans une histoire autonome et dont le point focal, en l’occurrence Paris, n’est pas cette fois appréhendé du point de vue de ses mécanismes internes mais par des observateurs extérieurs qui, au milieu du XXIIe siècle, en ressentent et en évaluent globalement les ondes, les battements, l’épaisseur historique et philosophique, la dynamique urbaine et architecturale en résonance avec sa mémoire.

Personnage central du récit, la jeune Kârinh, orpheline et marginalisée, compte parmi les descendants de la cohorte de 6 000 Terriens qui, en 2051, a quitté en secret sa planète ravagée par les guerres et les pollutions pour se réimplanter sur l’Arche, paradis - naturel ou artificiel ? - qui demeure assez mystérieux. En 2156, elle est à sa demande nommée à la tête d’une mission d’étude sur Terre, pour laquelle les volontaires ne se bousculaient pas, au point que les autres membres de l’équipe affichent une moyenne d’âge de 93 ans. Elle, et sans doute elle seule, rêve de Paris, découvert dans de vieux livres et magazines. Profitant de l’état d’hibernation dans lequel ont été plongés ses compagnons de voyage, elle occupe même le long trajet vers la Terre à des tentatives, soutenues par l’absorption de substances indéterminées, d’exploration de Paris par téléportation mentale, avec l’espoir de retrouver des traces de sa mère.

Des visions ramenées par Kârinh de ses expéditions, qui la laissent toujours plus migraineuse et finissent par la brouiller avec les autorités de l’Arche, comme de ses premiers contacts réels, une fois le vaisseau parvenu à destination, avec la métropole et ses habitants, François Schuiten et Benoît Peeters font émerger la figure d’un Paris transcendant l’espace et le temps. Ils ramassent dans un même mouvement le paradigme haussmannien, les fantasmes futuristes du XIXe siècle et certaines des propositions formulées en 2008-2009 dans le cadre de la consultation internationale "Le grand Paris", comme celle d’Antoine Grumbach d’étendre l’urbanisation le long de la Seine, jusqu’au port du Havre. L’occasion pour François Schuiten de livrer des planches ouvertes à toutes les rêveries. Fabrice Piault

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