31 août > Histoire France > Cécile Delarue

C’est écrit comme un polar, mais ce n’en est pas un. C’est pensé comme un reportage, mais nous touchons à la sociologie. Nous sommes dans la ville des anges où les démons sont si nombreux: Los Angeles. Toute une promesse pour les stars, les renégats et les serial killers. James Ellroy en sait quelque chose. La violence y est aussi épaisse que la pollution. Cécile Delarue y enquête sur une affaire, glauque évidemment. On l’a surnommé Grim Sleeper - dormeur lugubre - dans la presse. La journaliste est allée voir les familles pour tenter de comprendre pourquoi la police s’est désintéressée de ce détraqué qui a violé et zigouillé au moins dix femmes noires, le plus souvent prostituées, dans les décennies 1980-1990. Elle apprend aussi que quatre autres dingues sévissaient au même moment à South Central, portant le nombre de disparitions à près de cent! Mais le LAPD n’aime pas trop le quartier qui s’est enflammé en 1992 après la relaxe des policiers qui ont tabassé Rodney King. Le bilan fut lourd: 63 morts, 2 383 blessés et plus de 12 000 arrestations.

C’est dans ce contexte qu’il faut lire l’enquête millimétrée de Cécile Delarue, dans cette zone rongée par le crack, les gangs et les prédateurs sexuels. Pendant quatorze ans, Grim Sleeper se serait interrompu. Puis il a recommencé à tuer selon le même mode opératoire, en jetant les cadavres dans les poubelles. Il est arrêté en 2010 grâce à de l’ADN prélevé sur une part de pizza. Il s’appelle Lonnie Franklin Jr., il est noir comme ses victimes, marié avec deux enfants.

Comme toujours, le voisinage n’avait rien vu venir. Il était gentil, il disait bonjour. Un peu trop discret, peut-être, mais ce n’est pas un défaut, hein? Cécile Delarue déroule son investigation par petites phrases, des listes de morts, des conversations, des impressions. On a parfois le sentiment de lire le calepin du lieutenant Columbo, mais c’est ce qui donne à son livre cette concision au drame.

Les flics qu’elle interroge semblent sortis d’une série TV, les victimes aussi. Mais tout est vrai, tout est tragique. Le racisme, la police et la violence sont au cœur de South Central. A Beverly Hills, le sommeil de Grim Sleeper aurait été écourté. Mais ici… Le titre Black-out fait référence à une œuvre de l’artiste américaine Kenyatta A. C. Hinkle représentant une femme qui entre dans un nuage noir. Saisissant, comme ce livre. L. L.

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