Tribune

Renny Aupetit, à la tête du Comptoir des mots et du Comptoir des lettres à Paris (20e et 5e), ex-président de la Générale Librest, lance un appel à ses confrères.

 

"Depuis quarante ans, José Bové et ses camarades de la Confédération paysanne s’opposent à la pensée systémique de l’agriculture moderne et industrielle qui incite les paysans à s’endetter pour produire davantage. Force est de constater que par une pratique raisonnée, artisanale, alternative, respectueuse de l’environnement et qui privilégie les circuits courts, ceux qui choisissent de prendre la tangente s’en sortent bien mieux que les autres.

Depuis quarante ans, la pensée dominante conduit les libraires à chercher des remèdes à leurs sérieuses difficultés financières à l’extérieur de leurs commerces : auprès de leurs fournisseurs pour obtenir des remises supplémentaires, auprès des pouvoirs publics pour réguler, établir de nouvelles réglementations et freiner la montée en puissance des nouveaux acteurs, auprès des différentes sources de financement pour obtenir des aides, des subventions, et désormais auprès de leurs clients via le financement participatif. Or cette stratégie de soulagement exogène s’avère dérisoire et la situation économique des libraires continue inexorablement de se dégrader. Bon nombre de librairies survivent, agonisent, puis ferment. Et les malheureux libraires face à leur infortune désignent le monde extérieur : fournisseurs cruels, pouvoirs publics indifférents, loyers excessifs, concurrence redoutable, clients infidèles. Ils se considèrent comme des victimes.

Et si nous décidions de nous émanciper de cette vision univoque qui ne mène nulle part ? De nous affranchir des vieilles recettes, des préjugés et du conservatisme. De remettre en cause nos pratiques pour répondre enfin à notre problème de rentabilité. De repenser courageusement notre modèle économique pour nous adapter à un environnement en profonde évolution. De chercher des solutions en interne pour satisfaire de nouveaux comportements d’achats, des acheteurs devenus multicanaux, et apporter une réponse à cette dictature de l’urgence. De piloter plutôt que de subir. D’admettre que l’embellie ne viendra pas toute seule et faire le pari que nous avons toutes les clefs en main pour maîtriser nos flux, améliorer nos marges, réduire nos charges, repenser notre organisation et nos horaires d’ouverture, concrétiser cette idée encore abstraite de mutualisation.

Concevoir une librairie raisonnée, ambitionner une librairie solide, prospère et rémunératrice pour nous et nos collaborateurs, faire progresser la rentabilité moyenne jusqu’à 5 % : c’est l’enjeu des années à venir."

renny.aupetit@librest.com

21.02 2018

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