A oublier les lecteurs réels, ne risque-t-on pas de fragiliser le monde des livres ? Les critères d'évaluation de la ministre laissent de côté la politique du livre et de la lecture, le rapport Attali ne comporte aucune référence à la librairie et plus largement au monde du livre, les élections municipales accordent une place très marginale aux bibliothèques. L'actualité récente nous envoie des signaux convergents d'un désintérêt public et politique pour le livre et la lecture. On peut le regretter comme le fait F. Noiville dans le Monde des livres de cette semaine (25 janvier 2008). On peut s'en étonner comme Livres-hebdo . Mais comment comprendre cette situation ? Bien sûr il existe des évolutions qui remettent en cause le caractère majeur du monde des livres : l'émergence d'un univers médiatique audio-visuel, la place grandissante d'Internet, la désaffection des élites sociales pour les formations littéraires, etc. Mais au-delà, je risquerais une hypothèse : le monde des livres s'est constitué à travers des institutions qui le coupent des lecteurs réels. Il vit dans une sorte d'apesanteur sociale... et politique. On parle entre nous de littérature en délaissant les lectures réelles de nos contemporains. Au nom de la magie de la création, il convient de ne pas s'intéresser aux lecteurs (ou dire qu'on le fait). Ceux-ci devront tomber « sous le joug de l'admiration » de ce qui a été créé pour eux. Le marketing mais aussi la sociologie sont rejetés car ils apparaissent comme des entreprises de désenchantement du mystère de la création. Tous ces discours tenus par ces institutions concourent à ce que les membres extérieurs à cet univers le perçoivent, à juste titre, comme « décalé », « clos », « à part » et ne l'intègrent pas quand ils réfléchissent sur l'intérêt général. Les représentants politiques prennent acte (en même temps qu'ils l'entérinent) de cette situation en privant le monde des livres de leur soutien. Celui-ci se trouve dans un trou d'air vertigineux. Pour retrouver une assise, le Monde des livres me semble devoir mieux prendre en compte la réalité de nos contemporains. Bien sûr le lecteur réel risque de ne pas être à la hauteur du lecteur idéal mais il a le mérite d'être réel lui... C'est cette réflexion qui m'invite à consacrer ce blog au monde des livres du côté des lecteurs.
15.10 2013

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