23 août > Premier roman France > Eric Romand

Comme nombre de primo-romanciers, Eric Romand utilise le premier matériau de tout écrivain : ses souvenirs d’enfance, ce parcours sur lequel on se penche à nouveau, passions et tensions apaisées. Ne serait-ce qu’avec la mort de certains des protagonistes.

Ce qui est le cas du père du narrateur, ouvrier brutal et macho, devenu de plus en plus violent et alcoolique, quasiment SDF, et qui s’est suicidé en 1987, non sans avoir laissé derrière lui une lettre d’adieu troublante, bouleversante a posteriori : "Je t’écris ces quelques mots pour te dire que je vous adorais tous les trois, Julie, Nadine et toi"… Et pourtant, il a pourri la jeunesse de son fils, qu’il appelait "Riquette" ou "Postière" quand il ne le traitait pas de "tantouse" ou de "tante". On est dans les années 1960-1970, à Villeurbanne, dans un milieu populaire, et les différences passent mal, qu’elles soient ethniques ou sexuelles. L’oncle Joanès déjà, "PD", est méprisé, Gladys la cousine par alliance, noire, tout juste tolérée. Alors, que dire quand Eric, plutôt que parader en tenue de foot, préfère se travestir en Sheila, son idole, se maquiller, et vivre ses premières expériences avec Abel, ou Igor ? Heureusement, il y a ses grands-parents maternels, plus ouverts, plus tendres, chez qui il part vivre après l’explosion du couple parental. Viré du collège, il se lancera dans la coiffure, où il réussira brillamment.

Racontée de façon fragmentaire, avec sincérité, pudeur et émotion à la fois, cette histoire hélas ordinaire rappellera des souvenirs à certains, et parlera à tous. Même si des progrès ont été accomplis, le sort des jeunes gays hors des grandes villes n’est toujours pas facile. Pour arriver à survivre, souvent, comme Eric Romand, ils doivent se dissimuler, en attendant leur heure, généralement un premier amour. J.-C. P.

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