De Jean-Marc Rochette on connaît les séries Edmond le cochon (avec Martin Veyron, éditions du Fromage, puis Albin Michel) ou Le transperceneige (avec Jacques Lob, puis Benjamin Legrand et Olivier Bocquet, Casterman). On a lu aussi les albums satiriques créés chez Albin Michel avec René Pétillon tels Panique à Londres, Scandale à New York ou Triomphe à Hollywood. Avec Ailefroide : altitude 3 954, le dessinateur quitte les registres de la comédie ou du "drame psychologique" pour un travail beaucoup plus personnel. Il dévoile un pan de sa biographie, et pas des moindres puisqu’il s’agit de son adolescence. A l’aube des années 1970, tout en sentant monter en lui un désir de dessin, ce Grenoblois orphelin de père - ce dernier, médecin, est mort pendant la guerre d’Algérie - se passionnait avant tout pour l’alpinisme.

Rêche d’abord, comme les parois de roches et de glaces du massif des Ecrins, que Jean-Marc Rochette enchaîne sous tous les angles de manière presque obsessionnelle avec son copain Sempé (rien à voir avec le dessinateur du même nom), puis avec d’autres dont plusieurs deviendront guides et, parfois, disparaîtront en montagne, l’ouvrage paraît un moment s’orienter vers le manuel pratique. Revue du matériel (cordes, pitons, piolet, mousquetons, crampons), techniques de grimpe, choix des sommets à gravir et des itinéraires… Fausse piste. De l’"Aiguille Dibona, 3 130 m face est direct M. Loue, A. Madier 11 août 1939" à la "Pointe du vallon des étages, 3 564 m face sud M. Chevalier, G. Rébuffat 30 mai 1943", à la "Barre des Ecrins, 4 101 m pilier sud, Mme J. Franco, J. Franco 15 août 1944" et au "Grand pic de la Meije, 3 983 m face sud directe P. Allain, J. Leininger, J. Vernet, 12 septembre 1934", Jean-Marc Rochette distille une passion et une tension qui va croissante à mesure que les défis se corsent.

Glissades, chutes, accidents… Dans un suspense parfois oppressant, le dessinateur déroule les étapes, violentes, de son initiation, explique sa naissance au dessin à travers la pratique des sommets. Egalement peintre, fasciné par l’œuvre puissante de Soutine, il livre, sur le plan graphique, des cadrages de parois d’une impressionnante précision. Fabrice Piault