J’ai décidé de reprendre ma (modeste) analyse de l’affaire Google là ou je l’ai abandonnée dans le dernier épisode de ce blog … pour aller réveillonner. Car, toute gueule de bois dissipée, la lecture du jugement rendu le 18 décembre laisse un arrière-goût de frustration. Certes, à se limiter au « Par ces motifs » - c’est-à-dire au bouquet final de la décision -, la victoire a belle allure : Google est un contrefacteur, parce qu’il a numérisé intégralement et mis partiellement en ligne, sans autorisation, de nombreux ouvrages des catalogues du Seuil, d’Abrams ainsi que de Delachaux & Niestlé. La loi française s’applique, le Syndicat National des Editeurs ainsi que la Société des Gens de Lettres sont déclarés recevables et bien fondés à agir, etc. Le moteur de recherche aux allures de Big Brother pionnier de l’ Opt out (autrement dit du « qui ne dit mot consent à se faire pirater ») et de la négation revendiquée de la propriété intellectuelle, est mis en déroute. Les plaideurs ont invoqué tant de principes et d’arguments que la décision aurait pu, aurait dû, ressembler à un véritable cours de droit d’auteur. Las, la leçon servie par le tribunal semble avoir été survolée et récitée un peu hâtivement, à coups d’approximations qui en affaiblissent la portée. Alors, autorisons-nous à accorder bons et mauvais points, satisfactions et déceptions. Commençons par le cas de Google France, poursuivi aux côtés de Google Inc, la holding américaine, et qui demandait sa «  mise hors de cause  » du procès. Ladite mise hors de cause est balayée… au simple motif que Google France a écrit aux éditeurs sur son papier en-tête à adresse hexagonale afin d’obtenir copie d’un constat d’huissier. Mais, in fine , le jugement ne retient la responsabilité que de la seule Google inc, américaine, car, nonobstant cette missive, rien ne prouve que la filiale française aurait commis un quelconque acte litigieux. Pour ajouter au paradoxe, la compétence de la loi française est retenue notamment en raison de la même lettre ! En clair, Google France est de la partie, mais pas vraiment, selon les besoins du jugement. Retour à un raisonnement plus orthodoxe pour ce qui concerne la titularité des droits de propriété revendiqués par les éditeurs et contestée par Google (versions yankee et frenchie). Le tribunal rappelle qu’il existe une présomption de cession des droits d’auteur en faveur des maisons d’édition. Il est souligné, par surcroît, que les contrats d’édition des ouvrages concernés sont versés aux débats. Toutefois, les juges n’ont pas estimé utile de donner des détails sur le contenu des contrats : il faut juste à l’exégète imaginer que ceux-ci visent bel et bien les droits d’exploitation numérique ; ce qui ne va pas de soi pour les ouvrages les plus anciens (c’est-à-dire publiés au millénaire précédent, avant que l’édition française ne découvre Internet). Bon, puisqu’il paraît qu’une lecteur sur écran s’épuise après 3 000 signes, arrêtons-nous là pour l’heure. Mais dès la semaine prochaine je reviendrai vous livrer la suite de mes réflexions : n’ayant jamais rédigé de jugement, il n’est pas dit que je vais commencer à bâcler la tâche ! C’est là une bonne résolution pour ce début d’année. Ah, j’allais oublier le principal. En guise de vœux, je souhaite à tous les lecteurs de Livres hebdo… de bons procès, satisfaisants, si ce n’est financièrement, intellectuellement.    
15.10 2013

Les dernières
actualités