Ainsi, dans un silence à peine gêné, disparaîtrait la Direction du Livre et de la Lecture. Ce lieu symbolique représentait le livre et ses acteurs auprès du monde politique. Que penser de cette disparition ? La décision entérine un état de fait. La DLL a progressivement cessé de vivre sans doute par manque de moyens mais aussi par une sclérose croissante. S'il fut un temps où le directeur était un militant, la DLL a ensuite accueilli des énarques en position de repli ou à la recherche d'un tremplin et les efforts du dernier directeur n'auront pas suffit. Ces enjeux mesquins ajoutés à certains corporatismes ont évacué la question majeure de la lecture. Un ministère des auteurs, des libraires, des éditeurs ou des bibliothécaires ne pouvait faire un ministère de la lecture ! Qu'est-ce que la lecture pour la population ? Quelles sont les pratiques ? Sur quels supports ? Quels objectifs et quelles définitions pour la lecture ? Voilà bien des questions centrales qui n'ont pas été au coeur de la DLL. La DLL peut se targuer d'avoir contribué à la mise en place d'un vaste réseau de bibliothèques mais la fréquentation (d'après ses propres chiffres : 16,6% d’inscrits en 2005 contre plus de 18% il y a 10 ans) diminue et c'est bien la dernière a avoir posé la question de la définition ou redéfinition de la bibliothèque aujourd'hui là où, outre-Manche, des prises de position ministérielles datent de plusieurs années. Des BMVR aux « ruches », la logique qui a prévalu est celle de la « qualité » de l'offre tant en termes d'architecture, de collections ou d'animations. Mais les faits sont têtus et la lecture de livres s'érode... A promouvoir le livre, la lecture a parfois été oubliée… La loi Lang sur le prix unique a sans doute permis le maintien d'un réseau appréciable de librairies indépendantes. Cela est à mettre à son crédit car cela permet une certaine « bibliodiversité ». Mais la diffusion du livre passe moins par ces librairies que par la grande distribution qui tient une place majeure dans la démocratisation de la lecture ! Si l'action publique est moins en capacité de démocratiser la lecture, à quoi bon une direction du livre et de la lecture ! Le souci en réalité assez faible de la DLL pour la lecture a produit des résultats qui ne permettent pas réellement de légitimer sa défense, hélas. Et pourtant, il reste tant à faire pour la promotion de la lecture et pas seulement du livre ! Tant à faire pour que la lecture soit une pratique réellement protéiforme qui rassemble la population dans sa diversité ! Tant à faire pour que la lecture soit l’outil d’un point de vue rationnel et sensible sur le monde ! Tant à faire pour rendre service à la population par la lecture ! Qui prendra en charge ces missions ou d’autres ? Le partage des lambeaux de la DLL à l’intérieur du ministère de la culture nouvelle formule ne constitue pas un réel enjeu. Par contre il est possible que la disparition de la DLL signe le passage à une véritable décentralisation. Si les collectivités locales ne sont plus incitées à proposer une définition des politiques en faveur du livre, peut-être pourront-elles mettre à profit leur « proximité » pour s’intéresser aux lecteurs concitoyens ? Cela supposera une décentralisation des esprits de ceux en charge de définir ou de mettre en œuvre ces politiques. Là réside sans doute la clé de l’après-DLL.
15.10 2013

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