5 novembre > Essai France

Jean-Jacques Nattiez est un musicologue réputé. Longtemps professeur à l’université de Montréal, il est considéré comme un des pionniers de la sémiologie musicale et a dirigé l’édition des cinq volumes de Musiques. Une encyclopédie pour le XXIe siècle parus chez Actes Sud entre 2003 et 2007. Spécialiste de Debussy et de Boulez, il s’est beaucoup intéressé au cas Wagner. Dans ce volume, il a repris ses conférences sur l’antisémitisme du compositeur. En complément de sa démonstration très précise, livrets des opéras et correspondance à l’appui, il propose en annexe une série de textes de Wagner qui devrait dissiper tout scepticisme chez ceux qui en auraient encore.

La question est, comme pour d’autres grands artistes, la conciliation de deux réalités contradictoires, à savoir le sublime dans l’œuvre et l’abject dans la pensée. D’ailleurs, Jean-Jacques Nattiez ne cherche pas le scandale. Il veut simplement tenter de comprendre l’auteur de la Tétralogie. "Je tiens Tristan et Isolde pour un des sommets de la musique. Mais cela ne justifie pas qu’on occulte des pans entiers de sa biographie, de sa pensée et de son œuvre."

Le plus souvent, la dimension raciste chez Wagner fut étudiée par des historiens, des philosophes ou des psychanalystes. L’apport essentiel du travail désormais incontournable de Jean-Jacques Nattiez est qu’il provient d’un musicologue de premier plan. Ainsi invalide-t-il le diagnostic d’une sorte de schizophrénie chez Wagner qui voudrait que l’on sépare la vie de l’œuvre. Hanté par la dégénérescence de l’homme, il fut à la fois un génie et un pitoyable crétin. Ainsi, on peut toujours écouter Les maîtres chanteurs sans avoir envie d’envahir la Pologne, mais on ne peut plus ignorer que celui qui le fit en 1939 avait une grande admiration pour la part féroce contenue dans ces opéras. L. L.

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