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Royaume-Uni : une librairie à demi web

La librairie Foyles, Charing Cross Road, Londres. - Photo DR

Royaume-Uni : une librairie à demi web

Le ralentissement en 2013 des ventes de la trilogie Fifty shades explique en partie la chute du chiffre d’affaires du secteur du livre par rapport à l’année précédente. Le commerce en ligne, papier et numérique, assure désormais 51 % des ventes en exemplaires. Pourtant, la librairie indépendante reprend confiance.

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Par Vivienne Menkes-Ivry,
Créé le 03.04.2014 à 20h55 ,
Mis à jour le 04.04.2014 à 10h15

Selon Nielsen Book, propriétaire depuis 2013 de l’étude Books & Consumers, qui recueille des informations sur les achats de livres en Grande-Bretagne et qui les a présentées lors de son congrès annuel le 19 mars dernier, les consommateurs britanniques ont acheté 323 millions d’ouvrages en 2013, pour un prix global de 2,2 milliards de livres sterling. Cela représente une baisse de 4 % par rapport à l’année précédente, en volume comme en valeur.

Cette baisse intervient alors que les ventes de livres numériques se sont nettement accrues : + 20 % par rapport à 2012, pour atteindre 80 millions d’ebooks, représentant une dépense totale de 300 millions de livres sterling, soit 14 % des dépenses globales pour le livre. En 2013, 25 % des livres achetés par des consommateurs étaient des ebooks (20 % en 2012). En fiction pour adultes, la part du marché des ebooks s’est haussée jusqu’à plus de 40 % (33 % l’année précédente). Des augmentations ont été enregistrées aussi pour les documents adultes - un sur huit achats était sur format numérique - et pour les livres de jeunesse (un sur dix). Enfin, cette même année, selon l’organisme Book Trust, 29 % des lecteurs ont lu au moins un ebook.

 

L’impact de Fifty shades.

Le marché du livre papier, estimé à 1,416 milliard de livres sterling, a enregistré une chute de 98 M de livres sterling (- 6,5 %) par rapport à 2012. Au total, 183,9 millions de volumes imprimés ont été vendus, un chiffre en baisse de 9,8 %.

 

La diminution du chiffre d’affaires du secteur s’explique surtout, selon Steve Bohme, directeur depuis 1997 de l’étude Books & Consumers, par l’impact, sur l’année 2012, des ventes colossales de la trilogie Fifty shades. Si l’on fait abstraction de celles-ci, les achats du livre ont à peine baissé en valeur, et ont même légèrement augmenté en volume (+ 1 %). En ce qui concerne la fiction adulte, sans les achats des best-sellers de E. L. James, une baisse de 3 % en volume et de 5 % en valeur se transforme en + 10 % et + 7 % respectivement.

Dans le domaine des documents pour adultes, on enregistre - 2 % en volume et en valeur, l’avancée des ebooks ne suffisant pas à enrayer une baisse de 5 % pour les livres papier. Quant au secteur jeunesse, la part des ebooks varie entre moins de 5 % pour les documentaires et les livres pour la petite enfance et 20 % pour les romans d’aventures, la fantasy et les histoires de relations.

Phénomène grandissant, les livres autoédités représentent désormais une part importante de la croissance du marché de l’ebook (20 % environ en volume et 12 % en valeur) avec des prix souvent inférieurs (moins de 2 livres sterling pour les romans, tandis que les ebooks traditionnels coûtent entre 3 et 5 livres). Cette croissance de l’autoédition explique la chute du prix moyen du livre numérique.

La hausse des achats d’ebooks a accéléré le glissement vers les achats de livres en ligne qui représentent désormais 51 % des achats en nombre d’exemplaire (contre 48 % en 2012), soit le double de ce que représentaient les achats en ligne en 2009. Toutefois, les consommateurs de livres achètent un peu plus souvent en librairie qu’en ligne ou via un appareil.

Par ailleurs, l’étude précise que, fin 2013, plus de 50 % des acheteurs de livres vivaient dans un ménage qui possédait des tablettes ou des liseuses, et 75 % possédaient soit une tablette, soit une liseuse, soit un smartphone.

 

Disparition de la librairie.

Les sites Internet sans librairie physique ont atteint en 2013 une part de marché de 48 % en volume, les libraires (enseignes indépendantes et chaînes spécialisées) 31 %, les supermarchés 10 %, d’autres points de vente non spécialisés 6 %, et la vente directe 3 %. Les librairies continuent à être la source d’approvisionnement principale pour les livres papier (42 %, par rapport à 32 % pour les sites sans librairie physique).

 

Mais la fermeture de librairies indépendantes continue à être préoccupante. Plus de 500 ont fermé leurs portes depuis 2005. En 2013, 67 ont disparu, alors qu’il y a eu 26 créations. La concurrence d’Amazon, la croissance des ebooks et les augmentations de loyers dans les centres-villes apparaissent comme les principales raisons de cette hécatombe. Toutefois, tout en confiant à Livres Hebdo que "2013 a été une année vraiment dure pour [ses] adhérents", Tim Godfray, directeur de la Booksellers Association (association de libraires), estime que, "en gros, ça va mieux qu’il y un an : les consommateurs ont davantage confiance car la situation économique est nettement meilleure. Les éditeurs soutiennent les libraires plus qu’avant, et la promotion «Books are my bag» (1) a vu éditeurs, auteurs et libraires travailler ensemble pour fêter la librairie. D’autres initiatives comme la Semaine de la librairie indépendante, ajoute-t-il, ont porté leurs fruits, et le développement de notre «Indie ebook store» a donné aux petits points de vente une autre source d’approvisionnement." Tim Godfray note aussi que le service électronique Batch, qui permet aux libraires d’accéder aux factures des éditeurs en ligne et d’effectuer des paiements, a eu tant de succès que des libraires de 65 pays l’utilisent désormais. Par ailleurs, il milite pour que le droit d’auteur soit le souci principal de tous les acteurs de l’industrie du livre et pour que le taux zéro de la TVA demeure une priorité pour la librairie britannique. <

(1) Voir LH 950, du 19.4.2013, p. 17.

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