Serge Doubrovsky

Douze cartons pour bouteilles d’Evian et une valise en carton fortifié : voilà où dormait le texte fondateur de l’autofiction. Les 2 599 feuillets du projet initial du Monstre écrit par Serge Doubrovsky, qui prendra le titre de Fils à sa publication, dessinent en effet la première autofiction déclarée comme telle en quatrième de couverture : "Fiction d’événements et de faits strictement réels ; si l’on veut, autofiction, d’avoir confié le langage d’une aventure à l’aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau." La chercheuse Isabelle Grell a entrepris de recomposer le tapuscrit originel du Monstre. Augmenté d’une préface et d’un entretien avec l’auteur, âgé aujourd’hui de 86 ans, il est publié par Grasset le 10 septembre, en pleine rentrée littéraire. Dans sa préface, cette spécialiste de l’œuvre de Doubrovsky loue le courage de l’éditeur d’"éditer dans nos temps dits "de crises" un manuscrit aussi monumental que celui du Monstre et donc offrir au lecteur la possibilité de se glisser dans la manufacture de l’écriture".

Serge Doubrovsky écrit Le monstre au mitan de sa vie, entre 1969 et 1976, à la machine à écrire "pour "entendre" son texte". Le premier jet compte près de 3 000 pages et aucun éditeur ne consent à le publier en l’état, pas même Claude Gallimard qui en est le premier destinataire. L’auteur remanie son texte, en coupe les quatre cinquièmes et envoie 535 feuillets à Galilée qui l’accepte immédiatement en demandant juste le changement du titre. En recomposant Le monstre et ses 1 696 pages tapuscrites, Isabelle Grell présente la somme des obsessions, des délires et de la folie de l’auteur du Livre brisé (prix Médicis 1989). A.-L. W.

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