30 octobre > photographie France

Depardon et Berlin : plus qu’un sujet de reportage, une longue histoire chargée d’émotions. Dans l’actualité éditoriale à plusieurs titres (1), le photographe et cinéaste revient sur sa relation particulièrement intime avec l’Allemagne. Une histoire de plus d’un demi-siècle, presque d’une vie puisqu’elle commence pendant la guerre, dans l’enfance de Raymond Depardon, né en juillet 1942, dans la ferme parentale du Garet à Villefranche-sur-Saône, quand deux prisonniers de guerre allemands sont placés chez son père. "Je n’ai jamais raconté cette histoire, mais je suis conscient que cette rencontre avec ces deux prisonniers allemands qui s’exprimaient en français a éveillé ma curiosité sur le monde et a contribué, peut-être, à ma vocation de photographe et de reporter." Ainsi introduit-il cet album qui traverse cinquante ans de reportages. Des voyages effectués le plus souvent à des dates clés. Le premier, Depardon n’a pas encore 20 ans, quand en février 1962, six mois après le début de l’édification du Mur, il débarque à Berlin, envoyé par l’agence Dalmas pour couvrir la venue de Robert Kennedy, alors ministre américain de la Justice. Dans cette série, réalisée par le photographe encore débutant, les plus frappantes sont six images d’enfants jouant près d’un faux mur de briques qu’ils ont construit à quelques mètres du vrai. Puis, c’est 1965 : la visite de la reine Elisabeth. 1972 : les manifestations de l’extrême gauche. Et, bien sûr, le 10 novembre 1989 : la chute du Mur. Quand la plupart des médias se concentrent porte de Brandebourg, il retourne, lui, à Bernauer Strasse, où il assiste à l’ouverture du secteur français. Huit mois plus tard, en juillet 1990, il photographie le chantier de la réunification. En 1999, pour le dixième anniversaire, ne pas reconnaître la ville photographiée trente ans plus tôt le met en colère. En 2013, réconcilié, admiratif, il prend des barques au bord d’un lac : la dernière image de l’album…

Les photos, que le noir et blanc charge de gravité, de dureté mais aussi d’une temporalité incertaine, ont pour seule légende des textes dans lesquels Depardon contextualise sobrement. Il n’évoque que rarement ses clichés en termes techniques. Tout juste précise-t-il qu’il disposait de l’un des rares téléobjectifs Leica 800 mm quand il a pu photographier l’un des membres cagoulés du commando palestinien Septembre noir et un jeune athlète israélien à l’arrière d’un car, otage qui sera exécuté quelques heures plus tard. Ce n’était pas à Berlin mais aux JO de Munich en septembre 1972. V. R.

(1) A l’occasion de la reprise au MuCEM, à Marseille, du 29 octobre 2014 au 2 mars 2015 de l’exposition "Un moment si doux" - 150 photographies couleur montrées au Grand Palais, l’hiver dernier -, les éditions Xavier Barral viennent de publier Méditerranée, tandis qu’un entretien entre Raymond Depardon et Christian Caujolle paraît le 7 novembre chez André Frère éditions.

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