Stefano Nardella, Vincenzo Bizzarri, "Les assiégés" (Sarbacane) : Retour de casse

Les assiégés - Photo © Stefano Nardella et Vincenzo Bizzari/Sarbacane

Stefano Nardella, Vincenzo Bizzarri, "Les assiégés" (Sarbacane) : Retour de casse

Dans un thriller social parfaitement ficelé, Vincenzo Bizzarri et Stefano Nardella poursuivent leur exploration d'une Italie gangrenée par la mafia.

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Par Fabrice Piault,
Créé le 10.04.2022 à 13h00

Trois hommes dans un cabanon. Il fait nuit. Ils ont braqué un bureau de poste et attendent, pour se répartir le butin, un quatrième protagoniste qui doit leur apporter un véhicule et des vêtements propres. C'est le prologue des Assiégés, de Stefano Nardella (scénario) et Vincenzo Bizzarri (dessin) et, en attendant l'épilogue et l'arrivée de ce quatrième homme, il fait figure de fausse piste. En effet, retrouvant dans le cabanon un étonnant tableau d'un certain Fausto dit « le peintre fou », Cannemo, l'organisateur du casse, occupe les cent vingt pages de l'album à en raconter l'histoire à ses deux comparses.

La toile de 1999 représente l'ONPI, un immeuble d'une cité saisi en train d'exploser. Un symbole métaphorique qui permet aux deux auteurs italiens de poursuivre, en quatre chapitres scandés par les toiles édifiantes du peintre, l'exploration d'une Italie du sud gangrenée par le chômage et la criminalité mafieuse − exploration initiée dans La cité des trois saints (Sarbacane, 2017). Fausto, grand barbu dépenaillé aux allures de brigand, n'en sort jamais et ne compte pas en partir. Or, « sur ordre de la préfecture » qui y voit un lieu de blanchiment, théâtre de nombreux homicides, la police a donné vingt-quatre heures aux habitants pour le quitter avant d'en couper l'électricité et de l'évacuer par la force.

Le peintre n'est pas seul à résister. L'immeuble entier se dresse face à la police. Plusieurs figures émergent. La vieille Esterina, dont le fils a été tué vingt ans plus tôt par les carabiniers, fait dans le trafic de cigarettes. Elle n'hésite pas à se présenter face aux bataillons des forces de l'ordre assise sur une bombonne de gaz qu'elle menace de faire exploser avec elle. Le jeune Cirù a perdu son frère aîné, retrouvé tué par balle dans une décharge, et sa mère peine à élever seule sa famille nombreuse. Autant de trajectoires cabossées qui donnent prise aux stratégies de la criminalité organisée.

La force de ce thriller social ne tient pas seulement à son scénario parfaitement ficelé, qui souligne l'habileté de la mafia à tirer les ficelles au bon moment et au bon endroit. Découpage, cadrages serrés dans des cases panoramiques, teintes sombres parfois éclairées par un rougeoiement d'incendie parviennent à faire de l'ONPI une représentation de l'enfer, traversée par un vacarme inquiétant. « Skrrruunch », « crash », « rumble, rumble, rumble », « tum », « uaaa », « grrrr », « wouf », « crac », « vroom », « po pi po pi po pi », « sdeng », « frup », « cart », « bang bang », « stump », « skrratchssss »... L'inventivité de ses auteurs fait des Assiégés un des albums les plus bruyants du moment.

Stefano Nardella, Vincenzo Bizzarri
Les assiégés
Sarbacane
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 24 € ; 128 p.
ISBN: 9782377317837

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