Pierre Siramy, qui a été sous-directeur de la DGSE, sera jugé le 16 novembre. Il a notamment été mis en examen pour avoir   supposément compromis le fameux « secret-défense », dans son livre intitulé 25 ans dans les services secrets publié par Flammarion. Depuis que la télévision propose des émissions de variétés tournées sur les porte-avions, d’aucuns pourraient s’imaginer qu’il n’existe plus de restrictions aux informations sur l’armée et la Défense nationale. Ils se trompent ! Le « secret-défense » peut encore être invoqué par l’Etat notamment à l’encontre des écrivains-enquêteurs et de leurs éditeurs, s’ils se montrent trop curieux des affaires les plus sensibles. Ce n’est que par une ordonnance du 4 juin 1960 qu’ont été définies pour la première fois les informations susceptibles d’être protégées par le secret-défense : il s’agissait alors de tout «  renseignement, document ou procédé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale  ». Le Nouveau Code pénal, élaboré en 1993, a modifié ce statut. Aux termes de son article 413-9, sont considérés comme couverts par le secret les «  renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion  ». La publication d’informations est donc interdite si celles-ci ont été préalablement « classées » par l’autorité compétente. Dès lors, leur divulgation sera considérée « de nature à nuire à la défense nationale » ou pouvant «  conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale  ». En pratique, l’Etat est donc seul à déterminer si une information est secrète, que ce soit par nature (c’est-à-dire en raison de son contenu) ou par destination (si elle a pour objet la défense). Le juge pénal, saisi par l’Etat à l’encontre d’un éditeur, ne procède donc qu’à un contrôle de pure forme qui consiste, pour simplifier, à vérifier si les documents reproduits ou cités sont tamponnés « secret-défense ». En théorie, il est possible de saisir le juge administratif pour contester préalablement la décision de classement. L’éditeur qui porterait à la connaissance du public une information valablement classée « secret-défense » est punissable de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Toutefois, selon les commentateurs les plus autorisés, la reprise d’informations même classées défense, mais déjà divulguées par d’autres, n’est pas répréhensible. De plus, la Cour européenne des droits de l’homme veille à concilier secret-défense et liberté d’expression. C’est ainsi que ses magistrats ont eu à statuer, en 1991, sur les mémoires de « Spycatcher », ancien membre du MI 5 devenu très bavard.   De même, en 1995, dans une affaire concernant les Pays-Bas, la Cour de Strasbourg a estimé que si les informations confidentielles ont perdu, au moment de leur publication, ce caractère, toute saisie ou mesure de retrait de la circulation d’une publication méconnaît le droit à la liberté d’expression et d’information. Nonobstant, les militaires ont à pâtir d’autres mécanismes juridiques de restriction de l'information. Par exemple, il ne faut pas oublier les périodes particulières, décidées officiellement par les plus hautes instances de l’État, telles que la guerre, l’état de siège, l’état d’urgence ainsi que le régime de l’article 16 de la Constitution (pleins pouvoirs au président de la République), qui permettent une censure aisée de toute publication. Enfin, il existe même un contrôle particulier des informations militaires en temps de crise. En cas de conflit, le régime juridique français permet donc assez facilement de faire primer le secret sur le droit à l’information.   La Grande Muette mérite bel et bien son surnom.
15.10 2013

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