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Sur la route de La Rochelle/5 : Matoulu pour 3 500 âmes à Melle

Magalie Kergosien devant sa librairie - Photo Clarisse Normand

Sur la route de La Rochelle/5 : Matoulu pour 3 500 âmes à Melle

Sur le point de rejoindre La Rochelle, qui accueillera les 4es Rencontres nationales de la librairie, les 25 et 26 juin, Livres Hebdo fait une dernière étape à Melle, dans les Deux-Sèvres, un bourg de 3 500 habitants où Magalie Kergosien a fondé Le Matoulu.

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Par Clarisse Normand,
avec Créé le 16.06.2017 à 01h36

Etre libraire en milieu rural, c’est possible !" lance avec enthousiasme Magalie Kergosien. A la tête du Matoulu, à Melle, dans les Deux-Sèvres, c’est le message qu’elle entend faire passer lors des prochaines Rencontres nationales de la librairie. A La Rochelle, les 25 et 26 juin, elle participera à une table ronde sur le sujet et elle n’entend pas cacher la "jubilation" qu’elle ressent à exercer son métier dans une ville de 3 500 habitants. "De vrais liens se tissent avec les clients car on est très investi dans leur vie, observe cette ancienne salariée de Cultura. On les écoute, on les chouchoute. Beaucoup plus que dans une grande ville." Du coup, elle connaît bien ceux qui viennent régulièrement. "A tel point, se souvient-elle, qu’une fois, un client nous a demandé pour Noël de choisir nous-mêmes les livres qu’il offrirait à ses proches, que nous connaissions aussi. Il nous a apporté la liste de noms et est revenu quelques jours plus tard chercher ses paquets cadeaux sans même savoir ce qu’il y avait dedans ! Je l’ai pris comme une sacrée marque de confiance."

La pétillante quadra, habitante de Melle depuis 2007, reconnaît que cette façon de travailler passe par un fort investissement personnel. "Je vais régulièrement faire mes courses sur le marché pour me montrer et pour que les gens ne nous oublient pas. Ici, la librairie, c’est la libraire."

Consciente que, "dans le commerce, il faut être dans la bienveillance et aimer les gens", celle qui fut enfant de cafetier-restaurateur a misé sur le contact dès l’ouverture du Matoulu en 2006. "N’étant pas de la région, je me suis efforcée de m’intégrer dans la vie locale, notamment en allant déjeuner tous les midis au café de la place principale. Peu à peu, les gens sont venus me parler, se sont intéressés, et certains sont venus à la librairie." De façon plus formelle, elle est aussi allée se présenter au maire, s’est rendue dans les écoles, les bibliothèques… Une démarche qui l’a aidée ensuite à créer des passerelles.

"Sortir des murs"

"Il faut aller à la rencontre des gens et sortir des murs, assure cette passionnée qui adore présenter des livres dans les collèges. Les jeunes sont très réceptifs, ils n’hésitent pas à venir assister aux présentations qui ont lieu durant leur temps de récréation." Elle a également noué des partenariats avec le cinéma d’art et d’essai, les maisons de retraite, les associations, les manifestations locales… Et reconnaît volontiers bénéficier du dynamisme culturel de la ville. Un facteur qui, avec le bon niveau social des habitants, a joué dans son choix de créer une librairie à Melle, après dix ans de métier chez Cultura.

"Mon goût pour les livres et pour leur transmission, estime Magalie Kergosien, je le dois à une bibliothécaire, Josette Loubeau, qui exerçait dans une cité à Joué-lès-Tours. Quand j’étais adolescente, elle m’a conseillé plein de livres que je lisais ensuite aux enfants de ma sœur aînée." En 1998, après des études en psychologie et une année sabbatique, la future libraire saisit l’opportunité de travailler dans une enseigne culturelle naissante : Cultura. "J’ai participé à l’ouverture du premier magasin à Puilboreau, en périphérie de La Rochelle, se souvient-elle. J’y suis restée trois ans. C’était formidable. Dans le livre, on avait un responsable que j’adorais : Jean-Luc Loubet." Participant aux implantations d’autres magasins à Mérignac, puis à Toulouse, elle s’investit "beaucoup, voire trop" dans son métier alors même qu’elle se sent "de moins en moins en phase avec l’évolution du concept de l’enseigne et surtout le développement de la centralisation des achats".

En poste à Poitiers, elle décide de créer sa propre librairie. A l’époque, mère de deux enfants, elle ouvre à Melle une librairie jeunesse qui, dès 2007, face au déclin de sa consœur voisine, la Librairie du palais, devient généraliste. "C’était une opportunité, se rappelle-t-elle, mais j’étais totalement débordée, d’autant que j’étais en plein divorce et seule pour m’occuper de la librairie. Si j’ai pu me verser un salaire dès 2007-2008, je ne pouvais en revanche pas embaucher." Il lui faudra attendre 2011 pour prendre une salariée à plein-temps.

"Commerçante, je savais faire, mais pour la gestion cela a été plus difficile. En tant que librairie de deuxième niveau, je me suis retrouvée dans un autre monde que celui des grandes enseignes que je connaissais. Aujourd’hui encore, au bout de dix ans, j’atteins péniblement 35 % de remise. On vend, c’est super. Mais où est le bénéfice ? Notre rentabilité est insuffisante."

Ne pas faire la grimace

A la tête depuis un an d’une équipe de deux jeunes libraires, Lyse Menanteau et Emmanuelle Delattre, elle s’efforce de proposer, dans un magasin dont elle a progressivement poussé les murs et qui occupe désormais 110 m2, un assortiment large et varié "de façon à pouvoir répondre au plus grand nombre". Cette ouverture se justifie d’autant plus que Melle ne compte qu’un autre point de vente de livres, une maison de la presse proposant les best-sellers du moment, auquel s’ajoute le rayon livres d’un Super U. "Après, il faut aller à Niort, à 30 kilomètres", observe Magalie Kergosien. Estimant rayonner sur un périmètre qui n’a cessé de s’agrandir, elle annonce pour 2016 un chiffre d’affaires en hausse de 6 %, à 378 000 euros dont 316 000 euros avec le livre. "Sans vente aux collectivités, précise-t-elle. Ce qui m’intéresse, c’est le client en tant qu’individu."

Considérant Le Matoulu comme "son quatrième enfant", cette mère de trois garçons ne manque pas de projets pour son dernier-né. "Je voudrais développer le rayon poche. Et bien sûr j’aimerais embellir le magasin. C’est important car les clients sont volages, il faut leur donner envie de venir chez nous." Pour cela, Le Matoulu mise sur le professionnalisme et toujours la qualité de l’accueil. "Ici, on ne fait jamais la grimace", lancent à l’unisson patronne et salariées.

16.06 2017

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