Edition

Xavier de Bartillat, P-DG- Photo OLIVIER DION

Churchill avait sauvé l'Angleterre en 1940, et il a bien aidé Tallandier en 2010 et en 2011 : "Les deux volumes de ses Mémoires se sont vendus à 55 000 et 65 000 exemplaires. Le coffret a aussi bien marché en fin d'année 2011", se félicite Xavier de Bartillat, le P-DG de Tallandier. Avec le succès du Dessous des cartes de Jean-Christophe Victor, "la maison a confirmé son renouveau", précise le patron de la maison, nommé en juillet 2010 "dans une période difficile". Charles-Henri de Boissieu, son prédécesseur, avait dû quitter l'entreprise en raison de graves problèmes de santé. Et Xavier de Bartillat lui-même remâchait les raisons de son éviction soudaine de Perrin, un an auparavant, alors qu'il goûtait tout juste au succès d'une maison sortie de l'ombre de Plon, résultat d'une ambition qu'il nourrissait depuis plus de quinze ans.

Il a donc une revanche à prendre à la tête de Tallandier, où il a cru que le sol se dérobait sous ses pieds peu après son arrivée : un des deux éditeurs est parti presque immédiatement à la concurrence. L'équipe est maintenant reconstituée, autour de Dominique Missika, directrice littéraire, qui vient de la chaîne Histoire et s'occupera plutôt de la période contemporaine, Anne-Laure Bonnet, qui n'a pas fait défection, et Denis Maraval. Ancien directeur littéraire de Fayard, dont il a bâti la bonne réputation en histoire sur près de trois décennies, il arrive comme directeur de collection. Claude Quétel et Guillaume Piketty apporteront aussi leur concours. Laurence Duhamel, aux droits dérivés et au commercial, est devenue la mémoire de la société, avec tout juste huit ans d'ancienneté, ce qui témoigne des bouleversements subis par l'entreprise, qui a compté jusqu'à plus de 300 salariés dans les années 1960 (1).

Passionné d'histoire

Xavier de Bartillat veut faire de Tallandier "une grande maison d'histoire et, au-delà, de non-fiction : il est important de se diversifier en économie, politique, géopolitique, philosophie, religion et autres domaines si "affinités", ne serait-ce que pour nous donner plus de stabilité. Nous pouvons exploiter dans ces autres domaines les qualités d'expertise et de distance critique qui font le bon éditeur d'histoire. Par ailleurs, même si je suis passionné d'histoire, j'ai toujours eu la curiosité et le désir d'explorer d'autres formes de savoir et de m'impliquer dans les débats d'actualité".

Pour ne plus être débarqué sans préavis par ses actionnaires, il a négocié pour en devenir un et monter progressivement au capital de l'entreprise, explique-t-il, sans vouloir donner plus de détails. Ce qui passera par un retrait progressif d'Artemis, holding coiffant les activités de la famille Pinault, qui contrôle 66 % de Tallandier, et du groupe La Martinière-Le Seuil, qui dispose du restant et se charge aussi de la diffusion-distribution de l'éditeur. En attendant, les deux actionnaires ont joué leur rôle et ont soutenu leur filiale : en juin dernier, ils ont apuré les pertes par une réduction-augmentation de capital, en apportant au total 800 000 euros. "Aujourd'hui, la maison est en état de marche, les comptes redressés, une nouvelle équipe éditoriale au travail. Nous avons les moyens d'investir et d'élargir la marque. Le chiffre d'affaires net a atteint 3 millions d'euros en 2011, et l'année a été bénéficiaire."

Si 2011 s'est jouée sur quelques coups rapidement lancés, dont l'actualisation à marche forcée du Dessous des cartes, 2012 commence à porter la marque des choix et du réseau de la nouvelle équipe. Reprenons-nous ! de Jean-Paul Delevoye, qui livre un témoignage inquiet de l'état de la France constaté dans ses anciennes fonctions de médiateur de la République, s'inscrit dans la ligne des interventions dans le débat politique que le P-DG de Tallandier avait déjà rodé chez Perrin. Bien vu d'ailleurs : le premier tirage est épuisé.

L'arrivée prochaine de Jean Favier, avec une somme sur Le bourgeois de Paris au Moyen Age témoigne de la fidélité que Denis Maraval a su entretenir avec ses auteurs. Suivront à la rentrée Jean Tulard, spécialiste de la période napoléonienne et de l'histoire du cinéma, et Jean-Paul Bled, spécialiste de l'Allemagne. D'autres transferts sont attendus, favorisés par l'étonnant chassé-croisé d'éditeurs qui a marqué la vie récente de Fayard, de Perrin et de Tallandier, également à la recherche de jeunes auteurs.

Partie d'une soixantaine de titres en 2010, la production a atteint les 80 nouveautés l'an dernier, avec l'accélération du développement de "Texto", la collection de poche dirigée par Jean-Claude Zylberstein. "Le poche est indispensable au modèle économique d'un éditeur d'histoire, qui ainsi diversifie et rajeunit son lectorat et rentabilise un titre dans la durée. "Texto" a su prendre sa place, avec une programmation originale, un format différent, et une présentation soignée", apprécie Xavier de Bartillat en connaisseur : en 2002, dans le scepticisme général, il avait lancé "Tempus", dont le succès a inspiré les créations ou relances d'autres collections de poche en sciences humaines. Avec une rentabilité de 3 000 à 15 000 euros par titre, l'assise tient avec le volume de production, à condition que la mise en place ne s'effrite pas. "C'est la principale préoccupation du moment", s'inquiète le P-DG de Tallandier.

(1) La Librairie Tallandier : histoire d'une grande maison d'édition populaire (1870-2000), Matthieu Letourneux, Jean-Yves Mollier, Nouveau monde éditions.

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