1er mars > Roman France > Sylvain Prudhomme

Pour tout lecteur avisé, depuis Les grands et Légende (Gallimard, 2014 et 2016), le débat est clos. Sylvain Prudhomme est bien l’une des plus précieuses promesses de la jeune littérature française. Et la publication aujourd’hui de L’affaire Furtif (initialement paru, trop discrètement, en 2010, aux éditions Burozoïque), dévoilant de nouvelles facettes de son talent protéiforme de romancier, ne fait que renforcer cette conviction.

Le Furtif, c’est un voilier. Une espèce de bateau fantôme parti de Lisbonne vers à peu près nulle part, un archipel désolé et inexploré de l’Atlantique sud. A son bord, un étrange équipage composé d’un capitaine ancien parachutiste, d’un sculpteur new-yorkais en panne d’inspiration, de sa maîtresse, une photographe italienne conceptuelle, et d’un spécialiste japonais de la flore himalayenne… Tous reliés par une identique misanthropie, un même besoin de solitude et d’oubli. A tel point que l’odyssée du Furtif échappe à ses promoteurs initiaux, une chaîne de télévision, pour rejoindre des territoires mentaux nettement moins hospitaliers et ne devant rien à la société du spectacle, où se côtoient le silence infini des grands espaces, la mort, la folie.

Ce qu’il y a de remarquable dans cette Affaire Furtif, c’est avec quelle maestria Sylvain Prudhomme échappe aux propres pièges que lui tend sa fiction. Si le livre est une fable (après tout, Moby Dick l’est aussi), l’auteur, lui, reste indéfectiblement romancier. Il évite toute détermination psychologique, toute tentation sentencieuse, et laisse son lecteur faire un brin de chemin avec ses personnages. S’il s’agit là d’une œuvre de jeunesse, c’est moins par la présence d’une quelconque maladresse que parce que le réel n’y est pas réenchanté comme il le sera dans les livres plus récents. N’empêche, c’est une sacrée belle histoire, un sacré bon livre. Olivier Mony

Les dernières
actualités