24 août > Roman France

1978 : le choc pétrolier a donné le coup de grâce aux Trente Glorieuses. Avec la crise toutes les plaies se sont rouvertes, la vieille bile des défaites reflue - la guerre d’Algérie, cette guerre sans nom qui a tu ses turpitudes -, la haine raciale monte… Dans 78, Sébastien Rongier met en scène un drame polyphonique dans un bar de Sens à l’orée des années 1980. Un homme commande un demi pression pour lui et une menthe à l’eau pour son fils, va téléphoner et part, l’enfant voit le dos disparaître. La cloche de la cathédrale se fait entendre. "Dans l’affleurement des temps, des bruits se perdent, d’autres résonnent, mais l’insaisissable demeure." Les conversations et le juke-box. C’est principalement à travers les yeux du petit garçon qui attend et joue avec son Bidibulle, personnage ovoïde en plastique, que se déploie le réel contenu dans la brasserie sénonaise. L’auteur nous balade d’un point de vue à l’autre. Max le patron, un ancien de l’Algérie, pro-indépendantiste, voit d’un œil circonspect se réunir des militants d’extrême droite, proches de l’OAS et de Jean-Marie Le Pen. Le cuisinier algérien Mohamed, rescapé de la ratonnade policière de cette sanguinaire "nuit d’octobre", est amené à servir un des extrémistes. Il y a les clients aussi : une femme qui se soûle au Get 27 en espérant un amant qui ne l’épousera jamais et une jeune lycéenne, future romancière, qui dit non à son copain et refuse une existence d’épouse de boucher. L’auteur de Ce matin (Flammarion, 2009), histoire d’un deuil relatée sur le mode lacunaire du puzzle, poursuit une voie narrative originale, non linéaire, où les images du passé et les sensations du présent s’enchevêtrent de manière diachronique et tourbillonnante. Sean J. Rose

22.05 2015

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