Censure

Ukraine: une région adopte un moratoire sur la culture russe

La librairie Bookling à Lviv

Ukraine: une région adopte un moratoire sur la culture russe

Une zone frontalière de la Pologne aimerait interdire l’utilisation publique des produits culturels écrits dans la langue de Dostoïevski.

Par Nicolas Turcev,
avec AFP Créé le 21.09.2018 à 18h28

Le parlement de la région de Lviv a décrété un moratoire mardi 18 septembre sur l’affichage et la consultation publics des produits culturels russes jusqu’à la fin de "l’occupation" du territoire ukrainien par son voisin russe. Cette initiative s’inscrit dans un contexte de grande tension entre les deux pays, enlisés dans la guerre du Donbass et opposés sur la question de l’annexion de la Crimée par le président russe, Vladimir Poutine, en 2014.

Officiellement, l’assemblée locale cherche par ce geste à "protéger le champ de l'information ukrainien des influences hybrides du pays agresseur et surmonter les conséquences d'une longue russification linguistique". La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a réagi en condamnant "une initiative anticonstitutionnelle", à l’instar de plusieurs pays occidentaux comme le Canada ou le Royaume-Uni.
 
L’acte pris par les élus n’a pour l’instant qu'une valeur symbolique puisque la décision n’est pas contraignante, mais certains édiles reconnaissent à visage caché vouloir empêcher les lieux qui accueillent du public de diffuser des chansons ou des films russes, voire même d’interdire la lecture de livres écrits dans cette langue.

Une région pro-européenne

Situé à la frontière avec la Pologne, tout à l’ouest de l’Ukraine, l’oblast (l'équivalent d'une région administrative) de Lviv est l’un des plus farouchement antirusses. Lors de l’élection qui avait suivi la révolution de Maïdan et la destitution du président pro-russe Viktor Ianoukovitch il y a plus de quatre ans, elle avait massivement voté (70% des suffrages) en faveur du candidat pro-européen Petro Porochenko, devenu l’actuel président. Ses habitants utilisent en outre peu la langue de Tolstoï, contrairement aux régions de l’est du pays.
 
La décision des parlementaires marque ainsi une nouvelle offensive dans la guerre culturelle que se livrent les deux pays depuis le début de la crise ukrainienne. Début 2017, le président ukrainien, Petro Porochenko, avait notamment promulgué une loi visant à interdire certaines livres russes. Vingt-cinq ouvrages dont des œuvres de Boris Akounine, de la princesse Catherine Dachkov (1743-1810) ou d'Esper Esperovitch Oukhtomski (1861-1921), avaient été interdits de publication. Un précédent décret avait prohibé toute projection de films russes tournés après 2013, au motif de la sécurité nationale.
 
La Russie, de son côté, n’est pas en reste en matière de rétorsion culturelle : en août, soixante personnalités issues du monde du cinéma et du livre signaient une tribune pour réclamer la libération du cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, emprisonné dans les geôles moscovites depuis quatre ans. Il avait contesté l’annexion de la Crimée, sa région natale. Il a débuté une grève de la faim en mai.

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