5 octobre > Essais Grande-Bretagne > Julian Barnes

C’est grâce à son éditeur danois, Claus Clausen, que Julian Barnes a rassemblé en volume quelques-uns des essais sur l’art qu’il a écrits et publiés depuis le début des années 1990, dans London Review of Books notamment, Times Literary Supplement ou Modern Painters. Sachant que son premier texte consacré à un peintre, Géricault en l’occurrence et l’aventure démente de son Radeau de la Méduse, figurait dans son roman Une histoire du monde en 10 chapitres 1/2 (Stock, 1990, repris au Mercure de France en 2011, et chez Folio en 2013).

Une très bonne idée, donc, puisque ce recueil allie la curiosité, l’érudition et l’humour. Barnes trace de lui jeune un portrait peu flatteur : "A l’âge de douze ou treize ans, j’étais un robuste petit béotien du genre que les Britanniques savent si bien produire, féru de sports et de bandes dessinées." Il s’est bien rattrapé depuis. Sa métamorphose s’étant opérée à Paris, en 1964, lorsqu’il a visité le Louvre, et découvert le musée Gustave Moreau, encore dans son jus d’époque. En ce temps-là, aussi, tous les grands "modernistes", Picasso, Miró ou Giacometti, étaient encore en vie.

Dans les 17 essais repris ici, consacrés majoritairement à des peintres français, pas de Gustave Moreau, même s’il est cité souvent, en particulier à cause de sa proximité avec une partie de l’œuvre de Flaubert, ce grand "coloriste" (Salammbô, La tentation de saint Antoine) et l’auteur de prédilection de Barnes, qui lui revient sans cesse. Mais des textes épatants sur Courbet et son Origine du monde, tableau clandestin à l’époque, que l’on peut voir aujourd’hui librement au musée d’Orsay, une "œuvre qui reste vivante", écrit Barnes, chef-d’œuvre d’un peintre qu’il présente comme un "as de la publicité" en son temps. Sur Félix Vallotton, "un peintre protestant", "littéraire", peu représenté dans les musées anglais et donc mal connu outre-Manche. Ou encore sur les rapports entre Picasso et Braque, le Minotaure andalou et le Thésée francilien, le surdoué protéiforme et l’intello constant, vers qui l’on sent bien que va sa préférence. Il n’a pas tort.

Au final, Julian Barnes célèbre son ami de trente ans Howard Hodgkin, peu exposé en France, raconte quelques-uns de leurs voyages (à Delhi, par exemple). Encore un "peintre pour écrivains", et un "coloriste". Flaubert aurait adoré. J.-C. P.

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