21 octobre > Essai Illustré Royaume-Uni

Universitaire et écrivain spécialiste de l’environnement, Caspar Henderson est un brillant sujet, distingué par plusieurs prix. Il est avant tout anglais (d’Oxford), c’est-à-dire aussi curieux que farfelu, érudit que décalé.

C’est en lisant Le livre des êtres imaginaires de Borges qu’il a eu l’idée de cet ouvrage, auquel il a travaillé cinq ans, tel un moine copiste du Moyen Age. L’incroyable bestiaire de Monsieur Henderson rappelle les bestiaires médiévaux, avec leurs enluminures peuplées de créatures fantastiques, propres à enflammer les imaginations, admirer plus encore la toute-puissance du Créateur qui a pu inventer goules, dragons, licornes et autres créatures.

Mais la différence est qu’ici les 27 animaux présentés, de l’axolotl au zèbre marin, sont authentiques, si incroyable cela puisse-t-il paraître s’agissant d’une salamandre qui se régénère, ou, dans le cas du yeti à pinces, d’un crabe aux pattes poilues qui lui fournissent sa nourriture : ses propres parasites. Henderson définit son entreprise comme une "aléthiéagorie", quelque chose de fantastique où tout est vrai, et scientifiquement raconté.

Mais ça, ce n’est que le squelette de l’ouvrage. La chair en est constituée par des lectures érudites et de nombreuses références à des écrivains, d’Héraclite à Sartre. Par des questionnements fondamentaux : quelles sont nos responsabilités dans le réchauffement climatique, la dégradation de la planète, par rapport à notre génération et aux futures ? Les origines de la vie sont-elles à découvrir au fond de la mer ? Par des anecdotes et des souvenirs personnels, et même quelques traits de cet humour british unique. Ainsi, à propos de l’humain, à qui il consacre un chapitre centré sur la bipédie et l’aptitude à la musique, Henderson écrit : "Nous marchons et parlons (et mâchons du chewing-gum) en même temps ; les autres singes en sont incapables à cause des forces qui exercent une pression sur leur corps quand ils se déplacent." Tout cela constitue un vaste corpus inclassable, illustré de dessins et enrichi de didascalies dans les marges (toujours comme les manuscrits médiévaux), un gros livre à offrir à tous les amateurs de science et de littérature, un jugernaut, temple à roues destiné à transporter un dieu du panthéon hindou, Ganesh par exemple, qui n’aurait pas déparé ce Bestiaire. Mais existe-t-il ?

J.-C. P.

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