avant-portrait > Slobodan Despot

Je ne sais pas d’où je suis !" conclut Slobodan Despot après avoir expliqué son parcours, toutes ses vies, toutes ses activités qui l’ont mené aujourd’hui "au bord du burn-out". La preuve : juste après notre rencontre, il partait un mois dans un monastère bouddhiste tibétain de la République russe des Bouriates, alors qu’à 21 ans il s’était converti à l’orthodoxie, faire une cure de médecine traditionnelle, jeûner, méditer, écrire. Ecrire, surtout.

Traducteur du serbe

L’écriture semble maintenant sa priorité, avec la reprise de son activité de traducteur du serbe, mais pas exclusivement. En 1989, il avait commencé une collaboration avec Vladimir Dimitrijevic, le directeur des éditions L’Age d’homme, où il occupera diverses fonctions jusqu’en 2004. Ensuite, il a créé sa propre maison d’édition, Xenia, dont la devise est "Osez lire ce que nous osons éditer". Il y a notamment publié les écrits de Theodore J. Kaczynski, alias Unabomber, premier éco-terroriste, un temps ennemi public numéro un aux Etats-Unis. Carrossé comme un pilier de rugby, Slobodan Despot, dont le nom, dans sa langue, signifie quelque chose comme "prince", ou "seigneur", est un défenseur de toutes les libertés, un adversaire résolu de tous les politiquement corrects, qui n’a pas peur de la polémique, même musclée, ni de la provocation. Aussi est-il le conseiller en communication de l’homme politique Oskar Freysinger, leader de l’UDC (droite souverainiste suisse), celui du référendum "anti-minarets". "Quand j’étais gosse, dans les westerns, j’étais toujours pour les Indiens, mais les méchants, ceux qui scalpaient les Tuniques bleues", dit-il.

"Je fais trop de choses à la fois", reconnaît Slobodan Despot. Aussi vient-il de confier Xenia à son frère Marko et, de retour de son monastère, s’est-il promis de se consacrer à son travail d’écrivain, même si l’actualité en Suisse, en France et ailleurs le requiert. Comment faire autrement, avec l’histoire qui est la sienne, ce métissage entre les peuples, les cultures, les religions, les langues… "Les identités se raidissent quand elles sont menacées de se fondre et, dans les périodes de crise, on se raccroche à des valeurs abstraites et agressives. C’est le cas des djihadistes, que l’on a subis en Bosnie dès les années 1990", explique-t-il.

Au final, le seul vrai enracinement de ce polyglotte, c’est la langue française, notre langue, sa langue. "Je me sens aussi français que vous", dit-il. En 2014, est paru chez Gallimard son premier roman, Le miel, qu’il définit comme "la transmission d’une expérience sur la guerre en ex-Yougoslavie". Là, il publie le deuxième, Le rayon bleu, une espèce de politique-fiction délirante nourrie de l’histoire du dernier demi-siècle. Un "roman français", mais mélancolique. L’âme slave ?
Jean-Claude Perrier

Slobodan Despot, Le rayon bleu, Gallimard. 17 euros, 192 p. Mise en vente le 5 mai. ISBN : 978-2-07-271005-6

 

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