2 mars > Essai Suisse > Metin Arditi

L’amour n’exclut pas le désamour. On le constate dans ce dictionnaire à l’entrée "Ramuz". L’admiration pour l’œuvre se métamorphose en trouble lorsque Metin Arditi découvre une lettre adressée à Bernard Grasset en 1929. Il y flotte comme un relent d’antisémitisme. Arditi est agacé. Il relit l’œuvre de Ramuz, la décortique et finit par se fâcher avec cet écrivain dont les trucs stylistiques lui apparaissent un peu trop visibles. "L’avantage de se fâcher avec un écrivain, plutôt qu’avec un être cher, est que ce dernier peut vous refuser son affection à tout jamais, alors que l’écrivain reste à disposition. On peut ouvrir son livre quand on en a envie, le relire sans lui demander son avis, et le retrouver avec bonheur."

Ce bonheur-là traverse tout le livre, même dans ses petits agacements, contre la disparition de la compagnie aérienne Swissair, la "lenteur effarante", les votations à répétition. Mais ce "Suisse à quatre sous" né en Turquie n’a pas son pareil pour tomber sous le charme des brumes, des montagnes, des lacs, et des grandes personnalités suisses qui ont servi de ciment à la société helvétique. Pas étonnant non plus que ce soit au pays des montres qu’Einstein a énoncé sa théorie de la relativité en 1905.

Metin Arditi ne dit pas "ce pays est à moi", mais "je suis à ce pays". Cet écrivain francophone (L’enfant qui mesurait le monde, Grasset, 2016) qui s’acquitte d’une dette envers un pays qui lui a tout donné, est plus suisse que bien des Suisses. En cela, un tel ouvrage est un exemple lumineux pour ceux qui s’interrogent sur l’identité. L. L.

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