26 avril > roman Allemagne > Frank Witzel

Une bande de jeunes gens reviennent d’un braquage ou viennent de commettre un attentat, on n’est pas très sûr et ça discute sec dans la voiture. On parle d’armes, de pistolets… à eau. La voix est celle d’un narrateur de 13 ans. Il est rentré chez lui, enfin chez ses parents, un intérieur cossu de classe moyenne de la RFA (on est en 1969, vingt ans avant la chute du Mur). Il a peur d’être reconnu sur les portraits-robots que diffusent en boucle les flashs d’information. Les 97 chapitres restants ne seront pas plus éclairants.

En revanche, ce qui est très clair, c’est l’ennui profond dans lequel est plongé ce garçon: il appartient à la génération de l’après-guerre que le silence bienséant de la société ouest-allemande recouvre telle une chape de plomb. A la fois picaresque déjanté, traité de philosophie, spéculations politico-métaphysiques, soliloque de fou lucide, Comment un adolescent maniaco-dépressif inventa la Fraction Armée rouge au cours de l’été 1969 de Frank Witzel est un véritable objet littéraire non identifié. S’il y eut une Christa Wolf qui réfléchissait aux meurtrissures des années de la débâcle et de la séparation des deux Allemagne, il manquait à cet Ouest de l’avant-réunification son livre culte générationnel. Avec ce livre-monde, l’ex-RFA a désormais son roman.

En 2015, Frank Witzel s’est vu décerner le Deutscher Buchpreis - toujours décerné la veille de l’ouverture de la Foire de Francfort -, prix littéraire couronnant une œuvre de fiction de langue allemande et dont le but est la diffusion et le rayonnement de la littérature germanophone contemporaine. Ce livre fut l’un des derniers achats de la regrettée Ariane Fasquelle chez Grasset. S. J. R.

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