30 août > Roman Liban > Alexandre Najjar

On peine à s’imaginer aujourd’hui que son nom n’est plus guère connu que des cinéphiles, combien le comédien, réalisateur et metteur en scène Harry Baur (1880-1943), fut une superstar jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Non seulement en France, mais dans le monde entier. Par exemple, c’était l’acteur préféré du père d’Alexandre Najjar, grand avocat libanais et aussi homme de profonde culture. Petit, le fils a dû voir, dans les cinémas de Beyrouth, Les misérables ou Tarass Boulba. Et il n’a jamais oublié leur interprète, considéré comme le meilleur Jean Valjean de tous les temps. Ceci explique que, bien des années après et par des cheminements mystérieux, Najjar, devenu écrivain, s’intéresse à nouveau à Harry Baur, mais dans une configuration particulière: la fin de sa vie, brisée par un drame dont il ne se remettra jamais. Toute vedette qu’il fût, Baur a été arrêté, en mai 1942, ainsi que sa femme, l’actrice Rebecca Behar dite Rika Radifé, par la Gestapo, renseignée par la Milice, et, on l’apprendra ensuite, sur dénonciation d’un proche qu’il croyait de ses amis. Motif: Harry serait un espion, juif et franc-maçon. Il n’a jamais été ni l’un ni l’autre. Même s’il s’était parfois proclamé juif, il était alsacien, catholique, très croyant et pratiquant. Quant à son épouse, née à Constantinople, elle était turque et musulmane. Rien n’y fit. L’un et l’autre, lui au Cherche-Midi, elle à la Santé, subirent près de quatre mois d’un véritable calvaire. Jusqu’à leur libération sur ordre du général Otto von Stülpnagel en personne, commandant en chef des forces d’occupation allemandes en France.

Un miracle? Pas exactement, ou alors grâce à l’intercession de l’abbé Franz Stock, recteur de la Mission catholique allemande de Paris et aumônier militaire, donc chargé de trois prisons. Amoureux de la France et de sa culture, Stock va découvrir les horreurs commises par ses compatriotes, et se trouver "pris entre deux camps". Il choisit, au péril de sa vie, celui de la justice, et fit de son mieux pour aider tous ceux qu’il a pu. Le couple Baur, par exemple?

On sait, par le Journal de guerre de l’abbé (Cerf, 2017), qu’ils se sont rencontrés en prison. Le reste, plausible et raconté par lui, est dû à l’imagination fertile d’Alexandre Najjar, minutieux dans la reconstitution et inspiré par son héros, ce Juste allemand dont le procès en béatification est ouvert par l’Eglise depuis 2009. J.-C. P.

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