Un marathon de plaisir pour les libraires

Martin Barbe a été "emballé". A 22 ans, le jeune libraire de la librairie Le Neuf à Saint-Dié-des-Vosges entamait sa première saison de prérentrée littéraire avec les diffusés de Volumen. - Photo Olivier Dion

Un marathon de plaisir pour les libraires

Les libraires déploient des trésors d’organisation pour pouvoir participer aux multiples réunions organisées pendant six semaines par les éditeurs.

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Par Pauline Leduc,
avec Créé le 27.05.2016 à 13h00

"Je vous le dis, il s’agit d’une œuvre majeure, chaque phrase m’a surprise, on passe de la violence la plus crue au lyrisme le plus pur", s’enflamme Sabine Wespieser devant un parterre de quelque 130 libraires, lundi 23 mai à la réunion de rentrée littéraire organisée par Volumen pour 18 de ses éditeurs diffusés. Dans une salle de la Maison de l’Amérique latine (Paris 7e), l’auditoire est suspendu aux lèvres de l’éditrice qui défend avec passion son programme. Alors que les applaudissements fusent plusieurs retardataires prennent discrètement place aux derniers rangs, encore clairsemés, de l’assemblée.

"Je me suis levée à l’aube mais avec les grèves et les travaux de la SNCF, j’ai raté le début de la réunion : c’est le problème quand on vient de province", soupire Muriel Sanson, responsable littérature de la librairie Les Volcans, à Clermont-Ferrand. Fatiguée, elle n’est pas moins "ravie" d’assister à cette réunion particulièrement "rentable". "J’ai de nombreux autres allers-retours prévus mais, là, précise-t-elle, en une seule journée, je peux découvrir la production de nombreuses maisons de qualité, renforcer mes relations avec les éditeurs et nouer des premiers contacts avec les auteurs." Comme elle, près de 40 % des libraires présents ce jour-là ne viennent pas de la région parisienne.

"Vu l’énorme production qui va déferler sur le marché, ces moments sont essentiels : ils permettent d’effectuer un premier défrichage, de repérer les grands thèmes de la saison", souligne Marie-Rose Guarniéri, de la librairie des Abbesses (Paris 18e). Les multiples rencontres organisées en mai et en juin par les éditeurs apportent "un gain de temps pour préparer les tables", mais elles nécessitent une "solide organisation". La libraire s’est bâti un calendrier de ces événements pour gérer, en amont, son emploi du temps. "Comme nous sommes trois dans l’équipe, je peux régulièrement m’absenter quelques heures, mais ce doit être bien plus compliqué pour les libraires en région."

Même si les éditeurs privilégient le lundi, jour de fermeture traditionnel des librairies, pour programmer leurs rendez-vous, le temps de transport constitue un obstacle pour les libraires de province. A tel point que certains comme Kristel Bourg, cogérante du petit magasin Bookstore, à Biarritz, n’assistera à aucune réunion cette année car "les bénéfices ne sont pas à la hauteur des sacrifices engagés". D’autres tentent de s’organiser. "Je me débrouille avec ma collègue afin d’assister à un maximum d’événements mais, lorsqu’ils tombent le soir ou en plein inventaire, cela devient mission impossible : heureusement qu’il y en a de plus en plus en région, et notamment à Metz", explique Anne-Marie Carlier, gérante d’Autour du monde (Metz).

Le transport remboursé

Malgré ces délocalisations et le remboursement quasi systématique des frais de transport par les organisateurs, nombre de libraires ne peuvent se permettre d’assister à toutes les présentations de ce marathon "qui fait partie du piment de notre profession", comme le souligne Anne-Marie Carlier. "Je choisis les réunions en fonction de mes goûts personnels mais aussi du caractère "immanquable" des maisons", indique Muriel Sanson. Comme beaucoup de ses collègues, elle trouve normal de s’y rendre sur ses jours de congés. "C’est un véritable plaisir et une opportunité d’être là, pas une obligation", insiste Martin Barbe. Jeune libraire de 22 ans, il assiste à sa toute première réunion de rentrée pour Le Neuf, à Saint-Dié-des-Vosges, "emballé". P. L.

27.05 2016

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