17 août > Roman France > Joël Baqué

Biographie posthume d’un activiste malgré lui, fable discrètement écologique et histoire d’un coup de foudre polaire, La fonte des glaces raconte "le fabuleux destin de Louis", placide charcutier toulonnais à la retraite, "conçu en terre africaine par une mère carcassonnaise et un père comptable", devenu sur le tard l’improbable égérie starisée de la lutte contre le réchauffement climatique.

Louis a été un enfant unique choyé par sa mère restée veuve après la mort du père dans des circonstances qu’on ne racontera pas ici mais qui installent dès le début la cocasserie, la folie douce dérivant dans ce roman, naïf au dessus, noir au dessous, ironique et bienveillant : le style Baqué. Retiré depuis longtemps du boudin et des rillettes, ce vieil homme seul qui "pouvait se taire pour deux" se laisse conduire par de subites impulsions qu’il ne cherche pas à s’expliquer à lui-même. "Ses journées, ses soirées, ses nuits se succédaient dans une continuité que pourrait modéliser le cylindre mollement sinueux d’une pâte dentifrice au sortir du tube." Cette vie tempérée, ni heureuse, ni malheureuse, prend un nouvel élan lorsque Louis s’entiche d’un manchot empereur empaillé, acheté sur un marché aux puces. Il installe son nouvel ami dans un "grenier-banquise" réfrigéré, entreprend de lui trouver des compagnons, enquête sur les mœurs de l’espèce en surfant sur l’ordinateur de la bibliothèque municipale. Puis finit par se lancer dans "un voyage au bout du froid". Cap au sud, l’Antarctique, pour un safari blanc en motoneige en compagnie d’un guide inuit expatrié au pôle Sud, puis direction le Grand Nord canadien dans le sillage des "chasseurs d’icebergs" qui traquent la glace préhistorique pour la mettre en bouteille. Des biscuits soviétiques périmés joueront aussi un rôle dans cette épopée rocambolesque et désenchantée, traversée d’un humour aussi flegmatique que son héros qui pourrait être acteur principal dans un film d’Aki Kaurismäki.

L’année dernière, Joël Baqué nous avait offert La mer c’est rien du tout (P.O.L), un petit livre autobiographique merveilleux, variations autour de la trajectoire si peu banale de ce fonctionnaire de police, fils d’un ouvrier agricole dans le Biterrois. Ce troisième roman confirme qu’il est devenu un écrivain poète précieux. Véronique Rossignol

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