30 août > Jeunesse Etats-Unis > Lois Lowry

Meg et Molly sont comme chien et chat. Meg se sent terne, avec le sentiment d’avoir le charisme d’un mollusque à binocles, comparée à sa lumineuse sœur, qui traîne tous les cœurs après elle. Molly joue les pom-pom girls de lycée et rêve mariage et marmots, quand Meg n’aime rien tant que séjourner dans son petit renfoncement noir et solitaire sous l’escalier où elle peut afficher en toute liberté ses photos et aquarelles, pensant un jour devenir "quelqu’un". Un été, la famille déménage à la campagne. Dans la nouvelle maison minuscule, elles doivent partager une chambre, dont le claquement de porte n’est d’aucun secours quand on est en pétard, car elle ne cesse de se rouvrir… Pour bien marquer son territoire, Molly dessine à la craie une ligne de partage. "Libre à toi d’être aussi crade que tu veux, mais ton bazar, tu le gardes chez toi. Ce côté-là, c’est le mien." La guerre couvait depuis toujours, mais cette fois, elle est ouvertement déclarée. Quand Molly, comme éteinte de l’intérieur, donne les premiers signes d’un épuisement physique bientôt diagnostiqué comme symptôme d’une leucémie, Meg ne peut retenir de l’empathie, malgré la sorte de détestation qu’elle nourrit envers sa sœur. Dès lors, le roman entame une double spirale narrative : d’une part la descente de Molly qui perd peu à peu sa joie et ses boucles et, d’autre part, l’épanouissement de Meg, qui s’éclate dans la pratique passionnée de la photographie, en compagnie de son vieux voisin Will dont elle a tiré le portrait. "Je fixe ce que je vois comme personne d’autre ne pourrait le faire", dit Meg. Bientôt ne restera de la jolie Molly qu’une photo d’elle cueillant des fleurs dans la blonde lumière d’été qui joue dans les herbes hautes. Lois Lowry, grande figure de la littérature de jeunesse américaine, auteur du best-seller Le passeur, excelle à peindre la confusion des sentiments vrais, loin de toute convention morale. Ce n’est pas parce que Molly est malade qu’il ne faut pas continuer à la détester et à l’aimer comme avant. La haine n’a jamais exclu l’amour, au contraire. Ce roman solaire sur le deuil de l’enfance le temps d’un été culmine dans ces mots de la fin : "C’était une ressemblance éphémère, je le savais, mais quand Will avait braqué son objectif sur moi durant cinq centièmes de seconde, il l’avait capturée, rendant ainsi éternel ce que j’avais en moi de Molly." Fabienne Jacob

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