Une étude internationale sur le prêt d'e-books en bibliothèque

© Olivier Dion

Une étude internationale sur le prêt d'e-books en bibliothèque

D'après l'enquête Idate pour le ministère de la Culture, il n'existe dans le monde aucun modèle économique stable méritant d'être suivi.

Par Laurence Santantonios,
avec ls Créé le 15.04.2015 à 22h43

Rendue publique le 22 mars, l'étude internationale de la société Idate menée entre mai 2012 et aujourd'hui dans sept pays pour le compte du ministère de la Culture sur le prêt d'e-books dans les bibliothèques publiques fait apparaître que les relations entre éditeurs et bibliothécaires ne sont stabilisées dans aucun pays et que n'émerge nulle part à ce jour un modèle stable pour la distribution du livre numérique en bibliothèque.

D'après l'enquête réalisée aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, au Royaume uni et en Suède, le pourcentage de bibliothèques publiques (les bibliothèques universitaires ne sont pas concernées par l'étude) qui prêtent des livres numériques, qui est de 4% en France, est très disparate d'un pays à l'autre: 100% en Suède, 75% aux Etats-Unis, 71% en Grande Bretagne, 16% en Allemagne, tandis qu'il reste très marginal en Espagne et aux Pays-Bas.

«Chaque pays a son histoire et sa problématique, commente Gilles Fontaine, directeur adjoint de l'Idate. Par exemple le prêt d'e-books aux Etats-Unis, qui a commencé dès 2000, se situe dans un contexte très tendu car le distributeur leader, Overdrive, inquiète par son monopole qui s'étend au Canada et en Grande Bretagne. Du côté des éditeurs, deux des six plus gros acteurs refusent de prêter leurs livres. En Suède, la totalité des éditeurs ont accepté le prêt de leurs livres en bibliothèque depuis 2001, les bibliothécaires payant en fonction des téléchargements de leurs usagers. Le problème est que la pratique a eu un tel succès que les budgets des bibliothécaires ont explosé

Au demeurant, les retours d'usages sont très rares, excepté aux Etats-Unis où l'on sait par exemple que le service numérique Overdrive de la New York Public Library est équivalent en termes de prêts à une des annexes de l'établissement.

L'étude montre que partout les libraires sont peu présents et qu'ils ont du mal à s'insérer dans les plateformes existantes. «Il y a une zone d'ambiguïté chez les plateformes des distributeurs, estime Gilles Fontaine, car ils sont à la fois prestataire technique et fournisseur commercial. Que se passe-t-il si une bibliothèque décide de rompre son contrat?» demande-t-il, citant l'exemple d'une bibliothèque du Kansas, aux Etats-Unis, qui voulait quitter Overdrive mais garder les e-books qu'elle avait achetés. Au terme d'un procès engagé par la bibliothèque, cette dernière a gagné.

L'impact de la numérisation sur le marché du livre, l'apparition possible de modèles de location restent des inconnues. «En ce qui concerne le prêt numérique, estime Gilles Fontaine, on peut qualifier la demande d'émergente au moins en Europe. Dans ce contexte, tenter de figer les règles des relations entre éditeurs et bibliothèques parait prématuré et probablement vain.» L'étude conclut néanmoins que le statu quo n'est pas possible, autant pour l'image de la profession et du livre numérique que parce que les difficultés se posent déjà dans la pratique: par exemple dans les bibliothèques universitaires accablées par le renchérissement des coûts et la perte de maitrise des catalogues.

L'étude Idate livre ainsi sept pistes de réflexion à court terme :

1. Subordonner l'attribution des aides à la numérisation à l'intégration
des ouvrages numérisés dans des offres destinées aux bibliothèques

2. Définir des stratégies d'acquisition "livres numériques" plus précises de la part des bibliothèques

3. Réaliser des économies d'échelle au niveau territorial en évitant la multiplication des lancements de services de prêt numérique par de trop petites bibliothèques, qui peuvent être desservies par un service de prêt numérique (éventuellement en marque blanche) développé par la bibliothèque départementale de prêt

4. Intégrer le livre numérique dans la question générale de la rénovation des SIGB des bibliothèques

5. Définir des modèles d'offres types entre bibliothèques et éditeurs

6. Clarifier les relations contractuelles entre plateformes et bibliothèques, ce qui implique notamment de poursuivre la clarification du statut juridique du livre numérique

7. Expérimenter en vraie grandeur sur des offres réelles

«Il est souhaitable qu'un cadre commun rassemble bibliothèques de lecture publique et éditeurs pour la construction d'une offre numérique», conclut l'étude, qui devrait servir de base à un groupe de travail opérationnel que mettrait en place le service du livre et de la lecture du ministère de la Culture. Ce groupe de travail serait chargé de réfléchir à des recommandations et pourrait aboutir à une sorte de charte diffusée au moment du congrès international de l'IFLA (International Federation of Library Associations) qui se déroule à Lyon en août 2014.
15.04 2015

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