9 novembre > roman Italie > Natalia Ginzburg

La collection "Empreinte" veut faire redécouvrir des romans du catalogue Denoël. Publié en 1947, un petit bijou de Natalia Ginzburg émerge ainsi de l’oubli. Née à Palerme, en 1916, l’écrivaine a traversé le XXe siècle avec ses mots pour flambeau. Ses essais, ses pièces de théâtre ou ses romans défient le temps avec une modernité incroyable. Sa judéité l’empêche de signer son roman initial de son nom, mais l’écriture se révèle plus forte que les temps obscurs ou le deuil de son premier mari, un intellectuel antifasciste.

"Il est difficile de savoir ce que nous avons vraiment en nous…", écrit-elle dans C’est ainsi que cela s’est passé. Des situations extrêmes peuvent parfois nous pousser au-delà de nos limites. C’est précisément ce qu’expérimente la narratrice de ce roman. Prenant les lecteurs au dépourvu, elle abat son époux à bout portant. "J’ai tiré dans les yeux", avoue-t-elle froidement. Commence alors une errance, au cours de laquelle elle revisite une union d’une rare frustration. "Je recueillais en ma mémoire chaque mot qu’il m’avait dit et je cherchais à détecter si de l’amour s’y trouvait caché."

L’héroïne n’est qu’une jeune pensionnaire romantique, quand elle rencontre Alberto. Cet homme, plus âgé qu’elle, la courtise à la manière d’autrefois. Il ne l’attire pas vraiment, mais au moins il la sort de l’ennui. L’amour grandit en elle, tandis qu’il semble coincé en lui. Bientôt, la protagoniste en découvre la cause : une autre femme. Une condition qui la condamne à l’attente et à l’angoisse perpétuelle. "Notre mariage était un désastre. C’est impossible de t’aimer. Parce que tu manques de courage. Tu es un bouchon de liège." Un drame n’allège pas les choses. "Chacun agit différemment en cas de malheur. Chacun se défend à sa manière."

A travers ce huis clos de plus en plus étouffant, Natalia Ginzburg s’interroge sur la condition des femmes et l’éducation sentimentale des jeunes filles. Ne leur assigne-t-on pas des rôles réducteurs quant au mariage, à la sexualité ou à la maternité ? L’écriture d’une limpidité déroutante rend sa réalité d’autant plus violente. Elle ressemble à un long ralenti avançant inexorablement vers l’inévitable : donner la mort. Un roman implacable. Kerenn Elkaïm

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