25 octobre > Histoire Espagne > Serafín Fanjul

Il faut toujours se méfier avec les sous-titres qui annoncent "la réalité historique"… Serafín Fanjul se propose de nous dire ce que fut vraiment Al-Andalus, les territoires de l’Espagne sous domination arabo-musulmane de 711 à 1492. Il a la légitimité pour cela. Professeur de littérature arabe à l’Université autonome de Madrid, membre de l’Académie royale d’histoire, ancien directeur du Centre hispanique du Caire, ce chercheur de 72 ans connaît à fond le sujet. Avec l’érudition spectaculaire du convaincu, Serafín Fanjul s’attaque à un sujet délicat, un peu comme Sylvain Gouguenheim qui dans son Aristote au Mont Saint-Michel (Seuil, 2008) revisitait les racines grecques de l’Europe chrétienne sous les feux de la critique universitaire.

Serafín Fanjul explique qu’Al-Andalus ne fut pas la période idyllique réinventée selon lui de toutes pièces au XIXe siècle par le romantisme orientalisant. Le royaume musulman ne fut pas ouvert, pacifique et tolérant. Il travaillait d’abord pour l’islam, et non pour une culture arabo-andalouse idéalisée et ne fut pas "la civilisation la plus avancée du haut Moyen Age". On lui doit une persécution antichrétienne à Cordoue au IXe siècle et un pogrom contre les juifs à Grenade au XIe siècle.

Fanjul explique que les musulmans ont gouverné ce territoire à la mesure de leur proportion, la tolérance diminuant avec le nombre. Pour lui, l’expulsion des juifs à la fin du XVe siècle et des Morisques - musulmans convertis au catholicisme après la Reconquista - au début du XVIIe aurait évité à l’Espagne de sombrer dans le chaos. C’était déjà, en partie, l’opinion de Braudel.

On lit donc ce travail impressionnant comme une plongée dans les textes médiévaux qui ne nie pas que les savants d’Al-Andalus ont transmis à l’Occident les connaissances grecques, perses ou indiennes, mais qui relativise leur influence sur l’Espagne. Cependant, on le sait, l’historien ne travaille pas sur, mais avec le passé. Le présent n’est jamais absent de son enquête. Ici, on sent son poids à chaque page. Cela ne diminue pas le travail de recherche, mais cela interroge. On sait donc gré à L’Artilleur de mettre à disposition un tel travail tout en regrettant l’absence d’une introduction à la hauteur de l’enjeu. L. L.

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