Édito par Fabrice Piault, rédacteur en chef

Photo PHOTO OLIVIER DION

De Pékin à Istanbul et de Moscou à Téhéran ou Riyad, éditer n’est pas toujours une sinécure. Même en Inde, un grand pays démocratique en devenir, où se tient depuis le 6 et jusqu’au 14 janvier, avec l’Union européenne en invitée d’honneur, la 26e Foire internationale du livre de New Delhi, la liberté d’expression et d’édition ne va pas de soi. Le Bureau du livre allemand a même jugé utile d’y confronter, au centre de droits, des professionnels indiens et européens sur le thème "Business ou responsabilité : la politique et l’édition". Le débat a mis au jour les multiples circonlocutions et autocensures auxquelles doivent se prêter les éditeurs indiens vis-à-vis des pouvoirs publics et des différentes communautés qui s’enchevêtrent dans cet Etat fédéral pour exercer leur métier, tandis que les Allemands ou les Français s’en tiennent à la défense intransigeante de la liberté de publier dans le respect des lois.

Chez nous, celle-ci est pourtant aussi de plus de plus souvent malmenée. Entretenues par de très grands articles dans la presse, la polémique et les initiatives visant l’hypothèse d’une réédition par Gallimard des pamphlets antisémites de Céline laissent songeurs alors que ni la publication, ni surtout ses conditions en termes d’appareil critique n’ont encore été annoncées par l’éditeur.

Cette effervescence, étonnante par son ampleur, n’aurait pas manqué de susciter chez Paul Otchakovsky-Laurens une réaction sarcastique. L’éditeur tragiquement décédé sur une route de l’île antillaise de Marie-Galante, quelques heures après la disparition, à 91 ans, de son confrère Bernard de Fallois, était l’incarnation même d’une liberté intransigeante de choix qui fondait sa manière d’exercer son métier. Emblématique d’un engagement personnel et professionnel devenu rare à ce degré, il était même parvenu à fusionner en une seule syllabe, un seul son, son prénom, ses initiales et le nom de sa maison. Le quotidien Libération ne s’y est pas trompé, qui a titré "Editeur, mode d’emploi" sa formidable une d’hommage à l’éditeur de Georges Perec. Il demeure qu’il faut, pour tous ceux qui restent, ne pas perdre ce fameux mode d’emploi d’une liberté qui ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas.

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