9 février > Essai Italie > Andrea Marcolongo

Quand on la voit, on ne pense pas spontanément à Platon ou à Aristophane. Et quand on apprend qu’elle se prénomme Andrea, on comprend. En grec, cela signifie "mâle". "Il se trouve que je suis la fille d’un père qui ne connaît ni la tristesse ni la peur, mais qui est reconnaissant chaque jour envers le soleil qui se lève pour la beauté de la vie." Le ton est donné. Spontané, tonique. Celle qui fut une des plumes de l’ex-Premier ministre italien Matteo Renzi nous invite à un voyage peu commun. En Italie, il a séduit 200 000 lecteurs et il a été traduit en dix langues. Sa destination ? La langue grecque, ancienne bien sûr, celle des fondements de la pensée, de la logique, des rêves et de la poésie, celle que Virginia Woolf appelait "The Magic Language".

Avec une telle pédagogue, on va loin, évidemment. On la suit sans sourciller même lorsqu’elle parle du neutre ou de l’optatif. D’autant qu’elle raconte avec une énergie débordante, au rythme de ses souvenirs d’enseignante. Elle cite en grec, peu importe. C’est toujours traduit. Et, chemin faisant, le lecteur s’éprend de cette langue qu’il a oubliée, qu’il ne connaît pas, mais qui est tout sauf morte quand on sait si bien en parler. Il finit même par se prendre au jeu de penser en grec ancien, dans cette langue où le temps n’existe pas, et dont on ne sait pas vraiment comment elle se prononçait.

"La langue géniale n’est pas un manuel traditionnel ni un essai académique, pas plus une leçon donnée du haut d’une chaire ; c’est une syntaxe de l’âme au travers de cette langue si ancienne et pourtant si moderne que jamais : le grec."

Avec cette méthode nommée désir, Andrea Marcolongo féminise le personnage de John Keating dans Le cercle des poètes disparus. On l’imagine aisément clamer des vers anciens devant des étudiants aussi stupéfaits que boutonneux.

"Ecrire ce livre sur le grec ancien a été pour moi une expérience humaine extraordinaire." Elle a même fait la paix avec son prénom masculin, "une cause que je pensais désormais perdue". D’ailleurs, quand elle vient à Paris, elle ne photographie pas la tour Eiffel, mais la vitrine de la librairie Guillaume Budé, boulevard Raspail, où s’étale la collection des universités de France, avec la chouette d’Athéna pour repère. Tout un symbole.

Laurent Lemire

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