5 octobre > Histoire Etats-Unis > Jonathan Sperber

Le livre était tellement attendu qu’il avait fait l’objet de recensions dans la presse avant sa traduction. Voici donc enfin ce Marx sans peine. Dès les premières lignes, on observe le jeune barbu écrire le Manifeste du Parti communiste, sur un coin de bureau, dans un petit appartement, avec femme et enfants, mais sans argent. Nous sommes en 1848. Jonathan Sperber (université du Missouri) définit bien la caractéristique fondamentale de Marx. C’est un homme du XIXe siècle. Il ne prévoit pas l’avenir, il regarde du côté de la Révolution française, de son maître Hegel, de son ami Engels et de l’industrialisation en Angleterre. En cela, il est bien un homme de son temps, mais pas en avance sur celui-ci. Il traduit simplement ce qu’il observe dans une approche nouvelle avec l’idée de la lutte des classes.

Fils de la petite bourgeoisie juive de Trêves, amoureux transi de Jenny et intellectuel fauché, Karl Marx (1818-1883) fut aussi scrupuleux dans son œuvre que désordonné dans sa vie. Jonathan Sperber le montre sûr de lui, détestant la contradiction, pensant avoir trouvé, comme son contemporain Darwin auquel il voulait dédier Le capital, une théorie qui expliquerait l’évolution des sociétés.

Marx n’était pas marxiste au sens où nous l’entendons aujourd’hui. De même, le "capitalisme" tel qu’il le comprenait n’avait rien à voir avec les lois actuelles du marché. La bourgeoisie qu’il fustigeait se situait à des années-lumière des traders de Wall Street. Et quand il parlait de science, il parlait de savoir et non de progrès.

Au-delà des théories économiques, historiques et philosophiques, Jonathan Sperber est allé à la recherche de l’homme. Son voyage vers Marx est stimulant car il sort le personnage de sa gangue idéologique fabriquée a posteriori. L’historien a fouillé dans la MEGA (Marx/Engels Gesamtausgabe), la plus importante collection des travaux de Marx et Engels publiés en allemand, pour saisir une personnalité et surtout une pensée mal comprises. Il révèle ainsi autour de lui un monde underground, utopiste et anticonformiste.

Classique dans le fond, mais enlevée dans sa forme, cette biographie nous dévoile un homme plus proche de Robespierre que de Staline. "Il est davantage une figure du passé qu’un prophète du présent." Mais même s’il n’est pas notre contemporain, on voit combien il est libre, Marx… L. L.

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