Entretien

Xavier Galaup : "Créer un laboratoire d’idées"

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Xavier Galaup : "Créer un laboratoire d’idées"

Elu le 31 janvier pour trois ans à la présidence de l’Association des bibliothécaires de France (ABF), Xavier Galaup, directeur de la médiathèque départementale du Haut-Rhin, fait de la réforme territoriale et de la promotion des bibliothèques les axes prioritaires de son mandat.

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Par Véronique Heurtematte,
Créé le 19.02.2016 à 01h00 ,
Mis à jour le 19.02.2016 à 08h33

Xavier Galaup, 48 ans, directeur de la médiathèque départementale du Haut-Rhin, est depuis le 31 janvier le nouveau président de l’Association des bibliothécaires de France (ABF). Engagé depuis plusieurs années dans l’association, il succède à Anne Verneuil, dont le mandat aura été placé sous le signe des prises de position fortes. En accord avec le conseil national de l’ABF, le nouveau président a défini deux grands dossiers prioritaires : la réforme territoriale et la promotion des bibliothèques.

Xavier Galaup - Jusqu’à présent, nous nous sommes attelés à l’analyse du projet de loi et nous avons formulé des préconisations au sein de l’Interassociation archives bibliothèques documentation (IABD). Au 1er janvier 2017, la loi sera effective. Toutes les intercommunalités devront rassembler au moins 15 000 habitants. Cela va entraîner un mouvement sans précédent, y compris pour les intercommunalités qui ont déjà atteint ce seuil de population mais qui risquent d’être sollicitées par leurs voisines plus petites. A l’ABF, nous voulons mettre en place des outils pour accompagner les bibliothécaires face à cette situation inédite, les aider à dialoguer avec les élus, ce qui nécessite de manier des notions complexes, de créer un laboratoire d’idées afin de mutualiser les expériences, et que chacun puisse être informé de ce qui se passe ailleurs.

Il y a un risque de disparition des réseaux actuellement en place. Par exemple, dans le Haut-Rhin, une médiathèque intercommunale va intégrer une intercommunalité plus grande où la gestion de la lecture publique est restée au niveau communal. Cette médiathèque risque donc de redevenir communale elle aussi. Il faut que les élus gardent présent à l’esprit que la bibliothèque est un service important qui irrigue en profondeur les territoires, et qu’il est indispensable de l’inclure dans leur réflexion dès le départ. Il ne faut pas qu’elle soit reléguée au second plan pour des raisons budgétaires. Les élus ont peur de devoir gérer du personnel et des équipements. A nous de leur expliquer qu’il y a différentes manières de mutualiser les ressources et de travailler en réseau, même quand les bibliothèques ne sont pas gérées à l’échelon intercommunal.

Quant aux régions, elles ne s’occupent pas directement de la lecture publique mais les agences régionales avaient jusqu’à présent un rôle actif auprès de l’ensemble des professionnels du livre. Or, avec la mise en place des grandes régions, celles-ci sont en pleine mutation. Il faut veiller à ce que des restrictions financières ne les conduisent pas à se recentrer uniquement sur le secteur de l’économie du livre.

Nous avons cherché à traduire advocacy, mais "plaidoyer" ou "promotion" nous paraissaient trop restrictifs. Nous avons donc gardé le terme anglais. Toutefois, si quelqu’un a une idée, nous sommes preneurs. Oui, je pense qu’il y a une réelle évolution dans la manière dont les bibliothèques sont perçues. Cependant, il reste une méconnaissance importante de l’étendue de ce qu’elles proposent. Le niveau d’information des décideurs et des élus a progressé, mais nous devons conforter cette avancée. C’est l’objectif de l’étude sur la valeur économique et sociétale des bibliothèques que nous sommes en train d’élaborer conjointement avec la Bibliothèque publique d’information et le Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture. Il reste en revanche beaucoup à faire en direction du grand public. Les projets de bibliothèques ne sont pas toujours consensuels. On entend encore des personnes s’interroger sur la nécessité d’en construire à l’heure du numérique. Les bibliothèques ne sont pas perçues comme des lieux d’innovation. Nous devons valoriser leur rôle éducatif, social, d’espace de découverte culturelle, de lieu de mixité sociale et du vivre-ensemble.

Oui, vous avez raison. Ce basculement majeur du métier prend du temps à se mettre en œuvre. Les formations de conservateurs, à l’Inet et à l’Enssib, commencent à intégrer cette dimension. Nous devons nous remettre en question sur nos relations avec les élus et les habitants. La bibliothèque est un lieu collectif qui doit être co-construit. Cependant, une bibliothèque n’est pas obligée de se précipiter sur toutes les innovations en cours, qui ne sont pas forcément pertinentes sur son territoire. Ce qui est important, c’est que le projet de lecture publique soit adapté aux réalités locales et contribue aux objectifs fixés par les élus.

Nous restons sur nos fondamentaux, c’est-à-dire la possibilité pour les bibliothèques d’avoir facilement et à coût raisonnable accès aux ressources numériques. Certaines ressources restent chères, avec des abonnements de plusieurs milliers d’euros par an. C’est beaucoup pour un petit établissement. Les bibliothèques départementales connaissent des restrictions budgétaires, elles ne seront pas toujours en mesure d’assumer ces coûts pour tout leur réseau. Plutôt que le cadre contractuel, qui n’est pas sécurisant, nous préférerions, tout en rémunérant les ayants droit bien sûr, un régime d’exception qui prendrait en compte la particularité de nos missions de service public.

Nous pensons qu’il serait souhaitable qu’il y ait une pluralité des acteurs et des offres. Ce serait plus sain pour tout le monde. Ceci étant, nous sentons qu’il y a une réelle écoute des préoccupations des bibliothèques. Des relations fructueuses se sont nouées entre tous les partenaires. Ces échanges, de même que la réponse de la ministre à notre lettre, constituent des signaux positifs.

Le nombre d’adhérents est stabilisé et a même légèrement remonté. La campagne a permis d’attirer de nouveaux membres et de changer l’image de l’association. Sous l’impulsion du précédent bureau, l’ABF a montré qu’elle était capable de s’engager, et qu’elle souhaitait être un outil au service de ses adhérents. Lors des élections des présidents régionaux, en janvier, nous avons vu apparaître de nouveaux visages. C’est un signe de vitalité. Ceci étant, nous avons prévu de travailler sur la fidélisation de nos membres. L’ABF, comme beaucoup d’autres associations, souffre d’un phénomène de fluctuation des réadhésions.

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