Antoine Gallimard : « De précieux indicateurs de tendance pour les éditeurs »

Antoine Gallimard : « De précieux indicateurs de tendance pour les éditeurs »

Les chiffres de ventes fournis par Ipsos ou GFK sont régulièrement contestés par les éditeurs. Antoine Gallimard, président du SNE, s'explique sur cette critique et propose de relancer le dossier d'un Bookscan à la française pour en sortir.

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avec Créé le 15.04.2015 à 22h43 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Livres Hebdo - Les chiffres de ventes annuels d'Ipsos comme ceux de GFK font l'objet d'une vive contestation d'une partie des éditeurs. Pouvez-vous préciser ce qui fait problème dans ces données de marché venant d'instituts spécialisés et indépendants ?

"Le seul moyen vraiment efficace, c'est un outil comme Bookscan, mis en oeuvre au Royaume-Uni et couvrant la très grande majorité des points de vente en sortie de caisse." ANTOINE GALLIMARD, PRÉSIDENT DU SNE- Photo O. DION

Antoine Gallimard - Ces chiffres de vente résultent d'une extrapolation des relevés de sorties de caisse opérées par ces instituts auprès d'un nombre représentatif de points de vente (y compris les ventes en ligne, mais sans les ventes par correspondance). Il s'agit donc de données calculées, dont la fiabilité peut en effet faire l'objet de débats et de contestations. D'une maison à l'autre, d'un secteur à l'autre, les éditeurs portent des regards différents sur les modalités de calcul retenues par ces instituts. Alors qu'elles ne portent que sur 2 500 à 3 500 points de vente, ces enquêtes ont pour objectif de rendre compte de l'activité réelle des 15 000 magasins ayant une activité régulière de vente du livre en France... Cet écart, quels que soient les outils statistiques mis en oeuvre, peut être à l'origine de biais et d'imprécisions, de surévaluation ou de sous-évaluation. On le constate chaque année dans le calcul du marché global annuel de l'édition ; il y a un décalage notable entre les données sectorielles fournies par le Syndicat national de l'édition et les estimations des panélistes (qui, de plus, divergent d'un institut à l'autre).

Pourquoi malgré ces critiques, ces chiffres sont-ils achetés et de plus en plus utilisés dans leur travail quotidien par les principaux éditeurs ?

Ce sont pour les éditeurs de précieux indicateurs de tendance. Malgré leurs limites, ces panels peuvent permettre aux éditeurs et aux diffuseurs, tout au long de l'année, de suivre leur activité par circuit et par marché de façon plus fine que par le biais des seuls chiffres de réassortiments (qui ne tiennent pas compte des sorties de caisse). La veille concurrentielle exercée par les éditeurs est également facilitée par l'accès à ces données, dont la divulgation reste toutefois soumise à des règles strictes. Nous gagnons donc tous en intelligence de marché et en réactivité. Cela peut avoir une incidence sur nos décisions de tirages, nos plans de réimpression et, plus généralement, sur nos politiques commerciales. L'enjeu écologique de ce dossier (je pense à la question des retours) a été, par ailleurs, parfaitement exposé par le rapport d'Hervé Gaymard.

Le tout est de savoir bien interpréter ces chiffres. Mais cela fait aussi partie de notre métier. J'ajoute qu'il est particulièrement compliqué de rendre compte de l'activité des librairies indépendantes, en raison de leur hétérogénéité. Mais un outil comme Datalib (Adelc) permet aux professionnels de disposer d'informations fiables et qualitatives sur ce canal, informations également très précieuses pour les libraires eux-mêmes.

Comment pourrait-on améliorer ces données pour qu'elles jouent de façon incontestée leur rôle d'outils au service de l'ensemble de la profession ?

Les panélistes peuvent étendre leur échantillon de points de vente et affiner leurs outils statistiques. Mais le seul moyen vraiment efficace, c'est un outil comme Bookscan (Nielsen), mis en oeuvre au Royaume-Uni et couvrant la très grande majorité des points de vente en sortie de caisse. Denis Mollat, en tant que président du Cercle de la librairie, est le grand promoteur de cette solution pour le marché français. Mais la mise en place d'un tel dispositif a un coût significatif, étant donné le nombre de points de vente du livre en France. C'est la rançon de la densité exceptionnelle de notre réseau. Il est peut-être temps de rouvrir ce dossier. Je vois là un bon sujet d'étude pour la mission sur la librairie mise en place par le ministre de la Culture. Toute la profession y gagnerait.

15.04 2015

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