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L'Arcom et le piratage des livres

L'Arcom et le piratage des livres

L'Hadopi et le CSA ont fusionné en une seule instance. Qu'est-ce que cela va changer?

Le 1er janvier dernier, l’HADOPI et le CSA ont fusionné pour donner naissance à l’ARCOM, qui joue un rôle déterminant dans la lutte contre le piratage numérique des œuvres protégées par le droit d’auteur, au nombre desquels se trouvent des fichiers de livres.

C’est en 2019 que le projet de fusion est né, visant à réunir, au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). 

Le projet de fusion est justifié notamment par l’apport de l’expertise technique et juridique de la HADOPI au CSA afin d’assurer ses missions de contrôle du respect des conventionnements des chaines et des stations, de sauvegarde de pluralisme et de protection des publics sur Internet.

Pour mémoire, le CSA avait historiquement pour mission la promotion de la diversité culturelle, la sauvegarde de l’indépendance des médias et du pluralisme à la radio et à la télévision.
Et la HADOPI avait été créée pour lutter contre le piratage en ligne sur les réseaux pair à pair (P2P) et promouvoir les offres légales de contenus sur Internet. 

L’instauration d’une autorité unique se justifie dans un contexte où il est nécessaire de mettre en place des moyens et des procédures pour lutter plus efficacement contre le piratage en ligne. 

Grosses pertes financières

Le projet de fusion est né alors qu’un rapport datant d’octobre 2018 sur la régulation du secteur de l’audiovisuel, faisait état du chiffre de 1,35 milliard d’euros de pertes liées à la consommation de contenus audiovisuels illicites, soit l’équivalent du chiffre d’affaires des exploitants de cinéma. 

Il y était relevé qu’alors que soixante-cinq millions de vidéos illégales étaient consultées chaque mois en France. Seize millions de plaintes d’ayants droit avaient été adressées à la HADOPI en 2017, mais seules quatre-vingt-huit amendes avaient été infligées, dont une seule dépassant le montant de 2.000 euros.

L’ARCOM a récupéré les anciens pouvoirs de l’HADOPI ainsi que de nouveaux pouvoirs afin de renforcer la lutte contre le piratage. L’ARCOM, peut en effet être saisie par les organismes de gestion collective (la SACEM, la SCPP, etc.), par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ou par les organismes de défense professionnels (comme l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle).

L’Autorité administrative peut également agir sur la base d’informations transmises par le procureur de la République ou à l’appui d’un constat d’huissier établi à la demande d’un titulaire de droits.
Il est à présent possible pour les titulaires de droits de saisir directement l’ARCOM en s’appuyant sur un constat d’huissier en bonne et due forme. L’ARCOM dispose également, comme la HADOPI, d’agents assermentés aptes à recevoir les signalements de contenus contrefaisants en ligne, envoyés notamment par les sociétés de gestion collective.

Ces saisines peuvent conduire à l’envoi de lettres d’avertissement et de courriels aux adresses électroniques identifiables. 
Les agents assermentés peuvent également constater sur Internet les faits de contrefaçon et pourront « participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles de se rapporter à ces infractions ».
Ils peuvent également copier et conserver des contenus, ou encore « acquérir et étudier les matériels et logiciels propres à faciliter la commission d’actes de contrefaçon », susceptibles d’être utilisés dans le cadre de procédures judiciaires. 

Pouvoirs concrets

Le projet de loi sur l’audiovisuel qui avait été déposé en 2019 entendait également renforcer la lutte contre les sites contrefaisants, notamment en combattant plus efficacement les « sites miroirs ».
Il s’agit de faciliter le déréférencement et le blocage des « sites miroirs » redirigeant vers des contenus contrefaisants. 

Comme le rappelle l’étude d’impact du texte de loi, les « sites miroirs » sont des sites qui reproduisent le contenu des sites bloqués ou déréférencés, ou bien redirigent les internautes vers une adresse différente de celle bloquée par décision de justice.

A ce titre, l’ARCOM est en charge d’assurer le respect des décisions judiciaires de blocage interdisant « la reprise totale ou partielle d’un contenu portant atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin ».

En pratique, l’ARCOM peut conclure des accords notamment avec les ayants droit, afin de rendre plus effectives les décisions judiciaires de blocage. A la demande des titulaires de droits, l’Autorité peut à ce titre contacter les fournisseurs d’accès internet, les fournisseurs de noms de domaine ou les moteurs de recherche pour demander le blocage ou le déréférencement des « sites miroirs ».

Par surcroît, il est prévu la publication d’une liste noire des sites pirates par l’ARCOM qui permettrait d’assurer l’identification des « sites miroirs » ou de contournement et ainsi de favoriser l’application concrète des décisions de justice de blocage.

Il était temps d’agir. Car, plus de douze ans après sa création, la HADOPI a dressé, en 2021, un bilan financier mitigé puisqu’elle a perçu 87 000 euros d’amendes alors qu’elle a reçu plus de 82 millions d’euros de subventions publiques. Le bilan de sa lutte principale, contre le téléchargement en peer-to-peer, est également en nuances, dans la mesure où cette technologie ne représente aujourd’hui plus qu’un quart des téléchargements illégaux. La majorité des infractions sont en effet désormais réalisées via des plateformes illégales de streaming. 

Les nouveaux pouvoirs conférés à l’ARCOM lui permettent donc en théorie de prendre en compte les problématiques liées au streaming illégal qui n’étaient jusqu’alors pas prises en compte par la HADOPI. Cette évolution constitue par conséquent une réelle avancée dans la mesure où elle s’adapte aux usages actuels.

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