Librairie

A Banon, petit village d’un millier d’habitants des Alpes-de-Haute-Provence, Le Bleuet attire à nouveau touristes et curieux. "Dans le bourg, on recommence à voir le nombre de personnes qui viennent pour la librairie. C’est tout aussi rassurant que de contempler les étagères pleines", se félicite Philippe Wagner, maire de Banon. En 2017, après trois années tempétueuses, qui ont bien failli envoyer le navire par le fond (1), Le Bleuet, devenu pour la commune aussi emblématique que son célèbre fromage de chèvre, a renoué avec la croissance. De 1,3 million d’euros, le chiffre d’affaires a grimpé à 1,5 million d’euros. Et même si l’activité reste loin des 2,2 millions d’euros dégagés aux plus belles années, cette première progression est "plus qu’encourageante", plaide Marc Gaucherand, propriétaire, avec sa femme Isabelle, de l’entreprise.

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Indicateurs au vert

Arrivé de Lyon en octobre 2016 avec pour unique projet de "sauver Le Bleuet et de remettre du carburant dans une entreprise qui tournait au ralenti", le couple est donc en passe de réussir son pari tout en conservant l’esprit de la librairie: un stock considérable, plus de 100 000 livres, qui coûte cher mais qui façonne son identité. Au grand soulagement des Banonais et de leur maire. "Grâce à son caractère atypique et à sa notoriété, qui dépasse largement le département, Le Bleuet draine énormément de visiteurs et profite à l’ensemble du village. C’est notre poumon économique et, avec ses onze salariés, l’un de nos plus gros employeurs", assure Philippe Wagner. Un poids lourd qui, au-delà de la progression de son chiffre d’affaires, retrouve une santé financière. "Fréquentation en hausse, amélioration de la marge, réductions des coûts et trésorerie plus confortable, les indicateurs repassent au vert", confirme Olivier Pennanéac’h, chargé de l’économie du livre à l’Agence régionale du livre de la région.

Première étape de cette consolidation, le rachat des murs, signé depuis septembre 2017. "C’était une question de vie ou de mort pour l’entreprise", assure Marc Gaucherand. Avec 8 500 euros de loyer, Le Bleuet allait droit dans le mur. En devenant propriétaires, les deux libraires ont fixé leur charge immobilière à 3 400 euros, une somme beaucoup plus raisonnable. Mais si cette bataille était indispensable, elle n’était pas suffisante pour redonner au Bleuet le second souffle tant attendu. Dès la reprise, Isabelle et Marc Gaucherand ont donc déployé une stratégie plus large reposant sur les animations. "D’une librairie entrepôt, nous voulons faire du Bleuet deuxième version une maison des livres et de la culture, vivante et festive. Aujourd’hui, il ne suffit plus d’être une très bonne librairie avec un large assortiment. Les gens ne viennent plus seulement chercher des livres sur des étagères mais sont avides d’échanges et d’expériences humaines. Et seules les animations apportent cette vitalité recherchée", expose Marc Gaucherand, qui tire cette conviction de ses métiers précédents. Enseignant en philosophie, il a longtemps dirigé des établissements secondaires et supérieurs, puis s’est occupé d’un centre de conférences.

Varier l’offre

Inexistantes jusqu’en 2017, les animations se déploient désormais au Bleuet trois fois par mois de septembre à juin, et deux à trois fois par semaine durant l’été. En plus des rencontres classiques avec des auteurs, des randonnées botaniques et littéraires, des soirées mêlant livres et concerts, théâtre ou poésie sont proposées, ainsi que des ateliers et des lectures pour les enfants. Pour enrichir et varier l’offre, de nombreux partenariats avec des acteurs culturels locaux ont été noués - comme les Rencontres musicales de Haute-Provence, les Oralies, le festival de conte de Forcalquier -, ou encore avec l’abbaye de Valsaintes, à quelques encablures de Banon. "Pour amener de la vie, il faut sans cesse créer, innover, sortir des sentiers battus", soutient le libraire.

Parallèlement, l’équipe a entrepris une révision de l’assortiment, qui, vu son ampleur, s’apparente presque à un travail d’implantation. Des rayons déjà présents, qui souffraient d’un lourd stock mort, ont été nettoyés, et certains autres, en mauvais état ou qui avaient disparu, ont repris vie. Les sciences humaines, l’ésotérisme, la maison et la montagne ont ainsi retrouvé leur place au Bleuet et assurent même de bonnes rotations. A "ce travail méthodique, de longue haleine, que nous n’engageons qu’en période creuse, mais qui porte ses fruits", Marc Gaucherand et ses libraires ont ajouté une réorganisation de la surface de vente, désormais structurée par pôles. Signalétique, charte graphique et éclairage ont été également repensés. Des fauteuils et des coins lecture ont été installés, qui améliorent le confort du magasin. "Encore une fois, il s’agit de trouver des nouvelles idées afin d’agrémenter la visite de nos lecteurs", souligne le dirigeant.

Fédérer

Leur inspiration, ils n’ont pas hésité à aller aussi la puiser à la source. Pour mieux répondre à leurs attentes, variées et multiples, Isabelle et Marc Gaucherand ont sollicité leurs clients. D’abord par le biais d’un questionnaire, puis lors de deux rencontres en magasin où la soixantaine de participants ont été invités à débattre de leurs envies concernant la librairie. Outre l’aménagement plus confortable de la surface de vente, l’utilisation plus systématique du jardin attenant et la nécessité de muscler les animations, ils ont suggéré la création d’une table des "Perles du Bleuet". Mise en place en avril, elle marie coups de cœur des libraires et des lecteurs. Autre proposition mise en œuvre, la création d’une association ayant pour objectif de fédérer cette communauté fidèle et de seconder les libraires dans l’organisation des événements culturels. Portées sur les fonts baptismaux le 23 juin lors d’une troisième soirée, Bleuet Compagnie symbolise ce "Bleuet deuxième époque dont la locomotive reste, plus que jamais, la notion de livre vivant", affirme Marc Gaucherand.

(1) Voir LH 1103 du 28.10.2016, p. 30.

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