Droit

Le nom de l'auteur, du pseudonyme à la marque (3/4)

Le nom de l'auteur, du pseudonyme à la marque (3/4)

Les décisions sur le droit au nom restent encore assez erratiques.

Il y a quelques années, Mouna Ayoub assignait en référé les Presses du Châtelet. La jett-setteuse invoquait une sorte de droit au nom à l’encontre d’un ouvrage intitulé Mouna Ayoub, l’autre vérité. Le droit au nom connaît un succès judiciaire pour l’heure très limité, qui ne peut cependant être ignoré par les éditeurs.

Le droit au nom est une des branches des droits de la personnalité. Tout comme le droit à l’image, il s’agit là d’une pure création jurisprudentielle, ne reposant sur aucun texte législatif spécifique. 

La décision la plus précise sur le droit au nom concerne Eric Cantona, auquel le Tribunal de grande instance de Nanterre a donné raison, le 6 avril 1995. Les juges ont clairement affirmé à cette occasion qu’« indépendamment de la protection de sa vie privée, tout individu, fût-il célèbre, dispose sur sa propre image, attribut de sa personnalité, d’un droit exclusif, lui permettant d’autoriser ou non sa reproduction, et de s’opposer à ce qu’elle soit diffusée, quel qu’en soit le moyen, sans son autorisation expresse ou tacite, (…) il en est de même en ce qui concerne son nom ».

Dans cette même affaire, les magistrats ont surtout relevé que « ce numéro spécial de la revue, qui a pour sujet unique Eric Cantona, n’a pas été édité à l’occasion d’un événement sportif particulier, qu’il n’apporte aucun élément de connaissance essentiel ou même simplement nouveau sur la carrière ou l’activité professionnelle de ce joueur, mais se contente de compiler des reportages et photographies en majeure partie déjà publiés antérieurement ; qu’il n’a pas pour but l’information légitime du public, mais qu’il s’agit d’un produit purement commercial destiné à la vente et donc à la recherche du profit optimal, objectif d’autant plus facilement atteint que le sujet est «porteur» et bénéficie auprès du lectorat d’une grande notoriété et d’une renommée indiscutable ».
 
Le Tribunal en a donc conclu que « dans cette perspective, le nom et l’image d’Eric Cantona ont été exploités par la société Foot édition, non seulement à des fins directement mercantiles, mais également et plus généralement comme « accroche publicitaire en faveur de la revue But dans sa forme hebdomadaire habituelle ; (…) une telle exploitation à des fins commerciales et publicitaires excède le cadre d’une utilisation normalement prévisible et admissible de l’image publique et du nom d’Eric Cantona, et requérait l’autorisation préalable de ce dernier, alors que non seulement celle-ci n’a pas été sollicitée, mais que bien plus, l’éditeur est passé outre à un refus clairement manifesté et répété avant même la publication ».

Le caractère monothématique de la publication, ainsi que l’absence de rattachement à une actualité précise, ont facilité cette jurisprudence qui reste assez isolée. Car à l’aune de tels critères, l’édition de librairie se trouve juridiquement surexposée…

Un autre sportif, Richard Virenque, a d’ailleurs tenté d’agir sur le même fondement, à l’occasion de la parution chez Calmann-Lévy d’un album à sa gloire et utilisant pour titre son patronyme. 

Le 25 février 1998, le Tribunal de grande instance de Paris a donné gain de cause au cycliste sur le fondement du droit à l’image qu’il invoquait également. Mais les magistrats ont estimé que « la notoriété acquise par Monsieur Virenque au travers des résultats hors du commun qu’il  a obtenus dans le cadre des compétitions sportives auxquelles il a participé, l’expose inévitablement au regard du public et à des investigations journalistiques  ou littéraires sur sa personne et sur sa vie ; (…) ainsi l’utilisation de son nom ne trouve ses limites que dans les atteintes qui pourraient être portées à l’intimité de sa vie privée, à son honneur et à sa considération ». 

En clair, cette fois, la juridiction a considéré que le sportif ne pouvait agir à propos de son nom qu’en cas d’atteinte à sa vie privée ou de diffamation.  
Mais les décisions sur le droit au nom sont encore assez erratiques.

C’est ainsi que le Tribunal de grande instance de Nanterre reconnu, le 2 février 1999, ce droit à Inès Sastre concernant un article publié dans New Look et intitulé « Inès SASTRE – La nouvelle star des top models NUE – Toutes les photos de son film SEX ».

Enfin, l’ordonnance de référé rendue dans l’affaire Mouna Ayoub pose le problème sous l’angle du risque de confusion. L’auteur de La Vérité, autobiographie poursuivait en soulignant notamment que « la couverture du livre de Bernard Pascuito – reproduite sur des panneaux d’affichage - litigieux mentionne en caractères au total onze fois plus importants (5,5 cm) que son propre nom (5 mm) les « mots Mouna Ayoub, l’Autre vérité » ». La présidente du tribunal n’a toutefois pas estimé que cette présentation prêtait à confusion entre les deux livres, le titre visé étant « structurellement conforme aux usages en matière d’essai à caractère biographique ».
 
 

Les dernières
actualités