Portrait

Nicolas Roche, nouveau globe-trotter du Bief

Nicolas Roche : "L’édition, plus que tout autre métier, c’est une question de rencontres." - Photo Photo olivier dion

Nicolas Roche, nouveau globe-trotter du Bief

Ancien passionné de jeux de rôle, le nouveau directeur général du Bureau international de l’édition française a exercé de multiples fonctions dans l’édition avant de succéder à Jean-Guy Boin.

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Par Pauline Leduc,
Créé le 02.03.2018 à 08h35

A peine revenu de la Foire du livre de New Delhi, Nicolas Roche, directeur général du Bureau international de l’édition française (Bief) depuis un peu plus de trois mois, repartait déjà pour celle de Taipei avant d’enchaîner les rencontres avec des éditeurs à Anvers et à Amsterdam, le tout entre un conseil d’administration et de multiples réunions. Entre-temps, il assistait au pot de retraite de son prédécesseur, Jean-Guy Boin, qui restait, jusqu’au 31 janvier, conseiller de la présidente du Bief, Vera Michalski, et a salué son action. "Je tiens d’ailleurs à tirer mon chapeau à Jean-Guy, qui a incarné et fait considérablement évoluer le Bief pendant dix-sept ans, se donnant entièrement à ses missions en France comme à travers le monde, sans jamais ménager ses efforts."

En poste depuis le 16 novembre, l’ancien directeur des éditions du Centre Pompidou, dont l’enthousiasme éclipse (presque) la fatigue qui tire un peu ses traits, semble s’être déjà parfaitement fondu dans son nouveau rôle. En plus de trente ans de carrière dans l’édition, le quinquagénaire a eu de multiples occasions d’apprécier le travail effectué par le Bief. "J’ai touché à de nombreux domaines éditoriaux, mais j’ai aussi occupé des postes commerciaux et marketing avant d’avoir en charge plusieurs directions de maisons, dans le privé comme dans le public", résume-t-il.

Jeu de hasard

Une variété de regards sur la chaîne du livre qui n’est "pas étrangère" au fait qu’il ait été choisi par Vera Michalski pour prendre la tête de la structure. Et ce, au moment même où, après avoir beaucoup œuvré à l’international pour les éditions du Centre Pompidou, il songeait à mettre ses compétences au service d’une cause plus large. On pourrait penser que le destin du fils de l’écrivain et éditeur Denis Roche - qui créa au Seuil la collection "Fiction & Cie" - et qui a aussi pour ancêtre Frédéric Ditis, fondateur de "J’ai lu", était tout tracé. Pourtant, observe-t-il, "de la même manière que je n’avais jamais songé à être médecin, métier que ma mère exerçait, il ne m’était pas venu à l’idée de devenir éditeur". Jusqu’à ce qu’une suite de hasards l’y amène. Lycéen, le jeune Nicolas Roche se prend de passion pour les "prémices des jeux de rôle" et dévore, dans leur version originale, les livres de la série Dungeons & dragons qui arrive tout juste des Etats-Unis. A la fac, durant ses études d’administration économique et sociale, il adhère à un club de jeu, gagne un championnat, ce qui lui vaut un papier dans Le Monde. Au même moment, au milieu des années 1980, l’emblématique patron de Gallimard Jeunesse Pierre Marchand achète "un peu par hasard" les droits d’une série anglaise, qui deviendra la collection "Un livre dont vous êtes le héros", et cherche des personnes pour en faire des fiches de lecture. L’éditeur repère Nicolas Roche grâce à l’article et lui propose, à l’hiver 1986, de l’embaucher. Ses missions ? Parcourir le monde pour ramener les droits de jeux ou de livres d’aventures, mais aussi écumer les salles de profs de l’Hexagone pour convaincre les enseignants de l’intérêt de ce type d’ouvrages dans l’apprentissage de la lecture. "J’avais 19 ans, et on m’a offert l’opportunité folle de gagner ma vie grâce à ma passion. C’était une période magnifique", se souvient Nicolas Roche.

Multicasquette

Trois ans après son entrée chez Gallimard Jeunesse, et après avoir "beaucoup appris, de tout", il décide cependant de partir chez Hachette Presse, où il restera brièvement, avant d’assurer un "boulot alimentaire" dans la presse spécialisée. Ce faisant, il se frotte au monde des médias qui l’intéresse de longue date, goûte au "stress des bouclages" mais finit par revenir à l’univers de l’édition en intégrant Retz en tant que responsable marketing. "Une fois qu’on a découvert la complexité et l’intérêt de la chaîne du livre, il est très rare qu’on en reste éloigné", estime-t-il. Après Retz, c’est chez Nathan, Vuibert puis, à partir de 1998, Plon-Perrin qu’il exerce des fonctions de responsable marketing et de directeur commercial. En 2004, il intègre Stock dont il est d’abord secrétaire général, puis directeur général aux côtés de Jean-Marc Roberts. "Une belle expérience mais des relations un peu compliquées", élude-t-il pudiquement. Il quittera ce poste en 2007 pour effectuer des missions de "consultant" pour différents groupes comme Bayard, avant d’arriver en 2009 à la direction des éditions du Centre Pompidou. Lorsqu’il évoque la diversité de son parcours professionnel, Nicolas Roche place la curiosité et "cette envie constante d’aller au fond des choses" comme moteurs de ses choix. Mais pas seulement. "L’édition, plus que tout autre métier, c’est une question de rencontres, et ce sont elles qui ont influencé mon parcours", explique-t-il, évoquant des "rencontres clés", notamment avec Hedwige Pasquet, Pierre Marchand, Pascal Forbin, Xavier de Bartillat ou encore Olivier Orban. La richesse de son carnet d’adresses comme son sens du contact seront indéniablement des atouts pour mener à bien les missions d’une structure dont "le cœur d’activité" repose sur la mise en relation entre les éditeurs français et leurs homologues étrangers.

Année d’immersion

Si Nicolas Roche est dans une "année d’immersion et de découverte", le programme 2018 du Bief ayant déjà été bouclé à son arrivée, il a déjà quelques idées sur ce qu’il souhaite faire évoluer avec ses équipes pour "aider, plus que jamais, les éditeurs à développer leur activité à l’international". Après avoir été pendant de nombreuses années "de l’autre côté de la barrière", il connaît ses points forts mais sait aussi qu’il est possible "de faire mieux". En ce sens, il estime nécessaire de faire un "effort plus important" de communication et de pédagogie pour expliquer aux quelque 280 adhérents du Bief les dispositifs mis en place à leur intention. "La participation des éditeurs français aux foires du livre du monde entier, si elle représente un investissement financier certain, n’est pas seulement importante pour la diplomatie culturelle, c’est aussi un levier très clair en termes de business." Pour coller au mieux aux attentes des responsables de droits et dirigeants des maisons, Nicolas Roche souhaite notamment "détecter plus en amont" l’intérêt potentiel des nouveaux rendez-vous internationaux, mais aussi avancer la parution du programme annuel du Bief afin qu’il paraisse au moment où les éditeurs préparent leur budget. "Il y a un dessin de Voutch qui correspond assez bien à ma conception du travail : on y voit un couple, sirotant un verre sur un balcon face à la nuit étoilée et l’un demande à l’autre : "On est bien, mais est-ce qu’on ne pourrait pas être un peu mieux ?"", sourit Nicolas Roche. Il a accroché le dessin à la porte de son bureau.

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