plagiat

De Xavier Bettel, le premier ministre du Luxembourg qui a dû renoncer à son diplôme de troisième cycle, à l’économiste et prêtre jésuite Gaël Giraud, publié au Seuil et dont le dernier livre a été précipitamment retiré de la vente, l’année 2022 est aussi celle des accusations, voire des  révélations de plagiat.   

Là où les éditeurs et leurs auteurs parlent de « piratage », de « pillage », de « plagiat » ou encore de « violations des contrats », les spécialistes du droit d'auteur, eux, utilisent le terme de « contrefaçon ». 

Quelle que soit la variété des pratiques dénoncées, la contrefaçon et sa répression répondent à un régime juridique aussi draconien que précis.

Le « plagiat », qui défraye tant la chronique relève également, en pur droit, du domaine de la contrefaçon. Notons à cet égard que les spécialistes considèrent que le terme de « plagiat » stricto sensu devrait être réservé à l'exploitation suffisamment habile d'une œuvre pour ne pas être juridiquement répréhensible...

En matière de «plagiat» ou plutôt donc de contrefaçon littéraire, la reproduction illicite peut concerner aussi bien la «composition» du livre (c'est-à-dire la trame, l’enchaînement des scènes, etc.) que l'«expression»(autrement dit le style).

La notion de contrefaçon

L'article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que "toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon ; et toute contrefaçon est un délit." Et l'article L. 335-3 du même code ajoute qu'est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi.

En clair, tous les agissements qui mettent à mal un droit de propriété littéraire et artistique sont juridiquement des contrefaçons. Ce délit concerne donc n'importe quelle création protégée par le droit d'auteur : le texte en lui-même, mais aussi le titre du livre, sa composition, la maquette de sa couverture, le dessin placé en frontispice, les éléments du cahier photo, etc.

Bonne ou mauvaise foi des professionnels du livre

En matière de contrefaçon de droits d'auteur, il existe une réelle présomption de mauvaise foi, opposable à l'ensemble de ceux qui participent à la commercialisation de l'œuvre litigieuse. Cela signifie que les poursuites peuvent être engagées à l'encontre du libraire, du diffuseur/distributeur, de l'imprimeur, de l'importateur, de l'éditeur, de l'auteur indélicat, etc. Le poursuivant a tout loisir d'attaquer n'importe quel acteur de la chaîne qui, partie intégrante à l'exploitation du livre, présente l'avantage d'être soit le plus saisissable, soit géographiquement mieux placé que les autres, soit encore le moins susceptible de disparaître dans la nature, de déposer le bilan, etc.

Il est extrêmement difficile pour un professionnel de convaincre les juges de sa totale bonne foi et d'être mis hors de cause. Il reste alors à la charge des «innocents» de se retourner contre leurs partenaires qui les ont placés juridiquement dans l'embarras en leur confiant un ouvrage à problèmes...

De même, un éditeur qui se sera fait piéger par un plagiaire ne pourra arguer en justice que le public visé n’était pas le même que celui de l’œuvre contrefaite. Là encore, les magistrats rappellent souvent aux professionnels du livre que l'action en garantie sert à remonter la chaîne jusqu'au vrai responsable, mais qu'en tout état de cause la «victime» doit pouvoir faire cesser les agissements répréhensibles et être assurée de recouvrer des dommages-intérêts... Tout est donc là affaire de solvabilité, de diplomatie et de rapports de force...

La constitution des preuves

Plusieurs techniques sont possibles pour apporter la preuve d'une contrefaçon. Outre les moyens communs à toute action en justice (en particulier l'apport de traces écrites telles des lettres, des contrats, des exemplaires de livres achetés avec facture à l'appui), le Code de la propriété intellectuelle autorise, en son article L. 331-2, le recours aux «procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire» ainsi qu'aux «constatations d'agents assermentés, désignés (...) par les organismes professionnels d'auteurs» et par les sociétés de gestion collective de droits.»

Par ailleurs, une procédure spéciale, connue sous le nom de «saisie-contrefaçon», est organisée par le Code de la propriété intellectuelle.

Enfin, depuis 1994, les douanes bénéficient, aux termes du Code de la propriété intellectuelle, de pouvoirs très étendus en matière de contrefaçon, leur permettant « sur demande écrite du titulaire d’un droit d’auteur (...), assortie de justifications de son droit» de «retenir dans le cadre des contrôles les marchandises que celui-ci prétend constituer une contrefaçon de ce droit ».

L’action en contrefaçon

L’action en contrefaçon peut être en premier lieu intentée par les titulaires des droits. Il s'agit en général de l’éditeur «piraté», auquel l'écrivain peut se joindre s'il est associé par un pourcentage aux recettes de l'exploitation de son œuvre. En revanche, seul l’auteur peut attaquer en cas de violation du droit moral. Des difficultés peuvent surgir si un importateur ou un licencié veulent agir contrefaçon : il faut alors souvent examiner les accords conclus avec l'éditeur d'origine, qui imposent éventuellement de mener l'action de concert avec celui-ci.

En théorie, l'action en contrefaçon est également ouverte aux pouvoirs publics comme aux syndicats autorisés et aux sociétés de gestion collective de droits. Des organismes tels que la Société des Gens de Lettres (S.G.D.L.) ou le Centre Français du droit de Copie (C.F.C.) peuvent ainsi intervenir pour défendre les écrivains ou les éditeurs.  

Les poursuites à l'encontre des contrefacteurs peuvent être exercées devant les juridictions civiles ou correctionnelles. Il faut cependant rappeler que la contrefaçon est prescrite en trois ans en matière pénale, et seulement après dix années en matière civile. Soulignons surtout que le délai ne commence à courir qu'à compter de la fin de la commercialisation du dernier exemplaire litigieux.

La procédure de référé n'est sérieusement envisageable que dans les cas de reproduction pure et simple sans autorisation aucune.

Dans tous les cas, des mesures d'interdiction sous astreinte et de versement de dommages-intérêts peuvent être ordonnées.

(à suivre)

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