Essai/Salvador 20 février Óscar et Juan José Martínez

Le saviez-vous ? Le Salvador, ce petit pays trop souvent oublié d'Amérique centrale est aujourd'hui le plus dangereux du monde. Ainsi, là où aux Etats-Unis le taux d'homicide est de 5 pour 100 000 habitants, au Mexique (celui des cartels, dont la réputation en la matière n'est plus à faire...) de 18 pour 100 000, il atteint au Salvador le nombre effrayant de 103 pour 100 000 Salvadoriens. En cause, une culture endémique de la violence et la force des gangs, composés pour la plupart de très jeunes gens voire d'adolescents, qui innervent la vie du pays.

Miguel Ángel Tobar, dit « el niño d'Hollywood » était l'un d'entre eux, l'un des plus efficace aussi ayant commis son premier meurtre à l'âge où chez nous les enfants songent à entrer au lycée, puis largement plus de cinquante autres, comme exécutant, organisateur ou complice, avant de mourir comme il avait vécu (peu) sous les balles des assassins. Il est vrai que membre du gang le plus sanguinaire du pays, la Mara Salvatrucha 13, le seul inscrit aujourd'hui encore sur la liste noire du département du Trésor des Etats-Unis, il était devenu (contraint et forcé) un « indic » pour les forces de police salvadoriennes.

C'est son destin que narrent en un document exceptionnel de vérité et de justesse, El niño d'Hollywood, les frères Óscar et Juan José Martínez ; le premier est journaliste d'investigation, le deuxième anthropologue (et tous les deux, à la lecture de leur livre, aussi courageux l'un que l'autre). Et à travers l'histoire de Tobar, c'est celle du Salvador qu'ils racontent, ce si petit pays devenu si grandement criminel.

Il faut pour la comprendre en revenir aux relations déliquescentes nouées entre les Etats-Unis et ses voisins latinos depuis plus de quarante ans. A l'époque des années Reagan, à celle de la lutte contre la guérilla sandiniste, à l'installation des premiers gangs dédiés au trafic de drogue, mexicains ceux-là, sur les côtes de la Californie ; et sur l'exode quelque temps plus tard, par milliers, de jeunes Salvadoriens, vers cette même destination pour y exercer très vite une activité identique. Entre les Noirs, les Chicanos et les nouveaux venus, l'école de la vie est alors d'abord celle du crime. Et lorsque les Salvadoriens reviendront finalement vers leur pays d'origine, ce sera pour y exploiter leur récent savoir-faire, mais avec une violence inédite - on serait tenté d'écrire : voluptueuse...

Les frères Martínez ont pu rencontrer Tobar, longuement, souvent, avant sa fin brutale. C'est aussi ce qui donne le caractère exceptionnellement poignant de ce récit. Pas d'espoir pour ces anges de la mort. Point de lendemain. Noire est leur vie, leur nuit où jamais ne se lève le jour.

Óscar et Juan José Martínez 
El Nino de Hollywood : comment les USA et le Salvador ont créé le gang le plus dangereux du monde - Traduit de l'espagnol par René Solis
Métailié
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 22 euros ; 336 p.
ISBN: 9791022610117

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