16 mars > Histoire France > Bruno Cabanes

Le 6 avril 1917, les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne. Fin juin, les soldats de la 1re division d’infanterie américaine avec leurs chapeaux de feutre à large bord débarquent à Saint-Nazaire. Plusieurs ouvrages paraissent à l’occasion du centenaire de cet engagement. Avant Les Etats-Unis dans la Grande Guerre d’Hélène Harter (Tallandier, 6 avril) et l’épatant coup de crayon du capitaine Alban Butler de la 1re division qui raconte sa guerre dans des dessins très "Pieds Nickelés" (La Grande Guerre vue par les Américains, Albin Michel, 6 avril), voici un remarquable livre documentaire qui puise dans de nombreux fonds photographiques. Il nous montre sans fard le conflit tel qu’il fut vécu par les Américains, au quotidien, mais aussi la manière dont les Français ont ressenti cette armée lointaine qui se manifestait par sa décontraction et ses airs de ragtime ou de jazz joués par des musiciens noirs.

Historien français enseignant aux Etats-Unis (Ohio State University), Bruno Cabanes est un spécialiste de la Première Guerre mondiale. Il montre ici son sens de la synthèse et corrige volontiers quelques préjugés sur cet engagement qui aurait été plus symbolique que véritablement efficace. Cette armée peu expérimentée, composée de nombreux immigrants ne maîtrisant pas l’anglais, aura, il est vrai, besoin de plusieurs mois pour être au point. Elle perdra 53 400 hommes, c’est-à-dire plus que lors des guerres de Corée ou du Vietnam, et cela en six mois de combat.

Bruno Cabanes reprend le fil de cette histoire. Il explique la conscription, la situation des Afro-Américains, le transport, l’arrivée en France, l’accueil de la population, les batailles, les morts et l’adieu aux armes. Il explique aussi les transformations dans la société américaine avec les femmes qui prennent une place plus importante dans le monde du travail. Dans tout cela, il est aidé par des photographies souvent inédites tirées des archives américaines et du ministère français de la Défense.

Les Sammies ou Doughboys, comme on les appelle en France, vont attendre un an avant d’affronter les orages d’acier. En novembre 1918, l’offensive Meuse-Argonne est dévastatrice : lors des quatre premiers jours, 45 000 hommes sont tués ou blessés. "En moyenne, explique Bruno Cabanes, l’armée américaine perd 820 combattants par jour, soit à peine moins que les 900 morts quotidiens de l’armée française." Le sacrifice de ces six mois d’engagement n’est pas une illusion.

Le corps expéditionnaire commandé par le général Pershing a fait son travail. Pourtant, les Américains n’étaient qu’associés à la Triple-Entente entre Français, Britanniques et Russes. Ils n’étaient donc tenus par aucun de ses engagements diplomatiques. Mais ils pensaient que le conflit serait bien plus long et se terminerait en 1920. A la signature de l’armistice, deux millions de soldats ont déjà traversé l’Atlantique. Parce qu’il ne garantissait pas selon eux une paix durable, les Américains ne ratifièrent pas le traité de Versailles. Sans doute n’avaient-ils pas envie de revenir vingt-cinq ans plus tard. Laurent Lemire

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