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Anne-Cathrine Riebnitzsky : grandie dans le chaos

Anne-Cathrine Riebnitzsky - Photo Sara Skytte

Anne-Cathrine Riebnitzsky : grandie dans le chaos

Comment se construit-on entre violence et non-dits ? Le roman poignant d’Anne-Cathrine Riebnitzsky se nourrit de son parcours atypique.

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Par Kerenn Elkaim
avec Créé le 12.02.2016 à 00h30

Ma mémoire est comme un labyrinthe. Elle ne connaît aucun chemin simple." Et pour cause : à 41 ans, l’auteure danoise Anne-Cathrine Riebnitzsky a déjà connu de multiples vies. Son enfance, au sein "d’une famille dysfonctionnelle" oriente toute son existence, notamment sa passion pour les livres qui constituent un refuge pour cette enfant sensible et silencieuse. "A 15 ans, je me suis promis de devenir écrivain, mais je ne l’ai jamais avoué à personne." Dès lors, elle multiplie les notes qu’elle cache dans une boîte à chaussures. Puis, elle s’inscrit à 18 ans à l’Ecole danoise de création littéraire. "La culture nordique n’est pas très expressive, alors l’écriture m’a appris à briser la glace." Mais une fois son diplôme en poche, la jeune femme choisit une tout autre orientation : l’armée. Un choix mûrement réfléchi, lié à des failles personnelles. "Cette envie de structures et d’appartenance s’expliquait par mon besoin d’entrer dans une famille, où je n’étais pas menacée. Une famille en laquelle je pouvais avoir confiance."

L’officier Riebnitzsky est d’abord envoyée un an à Moscou. Elle s’y adonne à la diplomatie et au parachutisme. "Une façon de me confronter à mes peurs. Plus on a conscience de la mort, plus on apprécie la valeur de la vie." Une philosophie qu’elle poursuit en Afghanistan, où elle travaille dans le développement auprès des femmes afghanes. "Risquer sa peau pour sauver quelqu’un n’est pas anodin, mais la bataille quotidienne de ces femmes me paraît admirable." Anne-Cathrine leur consacre un ouvrage "pour raconter leur expérience de l’intérieur."

Terreur en famille

A présent, il est temps d’affronter ses propres démons. Son premier roman est inspiré des souvenirs pesants de son enfance. Elle le dédie "à ceux qui ont grandi dans le chaos", comme Lisa, son héroïne, qui revient au pays après la tentative de suicide de sa petite sœur. Dans l’avion qui la conduit de l’Afghanistan au Danemark, elle se confie à un passager. Une soupape s’ouvre, tant elle éprouve soudain le besoin de parler. Lisa a évolué au sein d’une famille violente. Son père sème la terreur parmi les quatre enfants. Sa mère se terre dans l’inaction et la dépression. "Il règne une ambiance de peur et d’insécurité à la maison." Les coups pleuvent, or c’est surtout la violence psychique "qui blesse l’âme". Chacun des protagonistes devient adulte, mais "arrive un moment où l’on doit se confronter au passé, sinon il contrôle notre vie", soutient Anne-Cathrine Riebnitzsky. Lisa et sa fratrie doivent mener une guerre contre les non-dits. "Il faut apprendre à pardonner."

L’auteure avoue que son livre lui a permis de se réconcilier avec sa mère. "L’écriture m’a libérée, aussi peut-elle aider les autres." Ce roman poignant, à la prose étincelante, se veut également une histoire d’amour et d’espoir. "Il est difficile de donner de l’amour, quand on n’en a pas reçu de ses parents. Mais ce sentiment transcende tout." Kerenn Elkaïm

Anne-Cathrine Riebnitzsky, Les guerres de Lisa, Gaïa

traduit du danois par Andreas Saint Bonnet. 22 euros, 342 p. Sortie : 2 mars ; tirage : 5 800 ex. ISBN : 978-2-84720-673-9

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