18 août > Roman Etats-Unis

Le professeur antillais de Frantz Fanon lui avait dit : "Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous." Ce que voulait dire l’enseignant de philosophie de l’auteur des Damnés de la terre, c’est qu’une minorité opprimée, honnie jusqu’à la mort (l’abomination de l’Holocauste, dans le cas des Juifs), doit se sentir concernée par l’oppression d’une autre minorité.

Dans la grande Histoire universelle, il est un génocide trop souvent oublié : celui des Indiens d’Amérique. Certes aujourd’hui ils ne font plus l’objet de discrimination juridique, mais la vie dans les réserves est loin d’être idyllique. Fils d’une mère ojibwé et d’un Juif autrichien rescapé de la Shoah qui travailla pour le Bureau des affaires indiennes, David Treuer parle livre après livre de la condition indienne. Avec son cinquième ouvrage traduit dans la même collection "Terres d’Amérique", Et la vie nous emportera, il renoue la fiction avec le lyrisme maîtrisé de qui sait mêler les sentiments humains au paysage. Il y a cette anecdote glanée dans une biographie d’Hemingway où ce dernier se targuait de quelque exploit sexuel avec une métisse ojibwé, une certaine Prudence Bolton. On ne savait rien d’elle.

Après enquête, Treuer découvre que la jeune femme et son amant s’étaient donné la mort avec du poison, la suicidée étant enceinte. De là le romancier ourdit une trame : une famille, les Washburn, dont le fils, Frankie, revient en été 1942 chez ses parents dans leur résidence d’été dans le Minnesota avant de rejoindre l’armée, les retrouvailles avec le vieil Indien gardien du domaine, le jeune métis indien, Billy, avec qui il partage des liens forts, d’amitié assez particulière, et bientôt les secrets d’un drame. Treuer a magnifiquement réussi son "histoire d’inégalité raciale et d’amour sous ses formes les plus tragiques, pendant la Seconde Guerre mondiale". S. J. R.

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