21 mars > Récit de Voyage Pays-Bas

Quel est le point commun entre le romancier et diplomate français Romain Gary, le peintre expressionniste abstrait américain Rothko et la philosophe allemande des Origines du totalitarisme Hannah Arendt ? Tous sont nés dans cette région bordant la mer Baltique. Les fameux pays baltes : Lituanie, Estonie, Lettonie. A la liste s’ajoutent le cinéaste Sergueï Eisenstein, le sculpteur cubiste Jacques Lipchitz ou le musicien minimaliste Arvo Pärt, ou encore l’aristocratique écrivain germano-balte Eduard von Keyserling, inspirateur de l’auteur du Guépard… Dominée par ses puissants voisins, Russie, Allemagne, Suède, Pologne… et sous le joug de régimes totalitaires tsariste, soviétique ou nazi, cette triade nordique est riche d’une culture et d’une histoire souvent ignorées des autres membres de l’Union européenne, qu’elle a pourtant intégrée en 2004. Une fascinante relation de voyage faite par Jan Brokken répare enfin cette injustice. De Vilnius à Tallinn en passant par Kaliningrad (l’ex-Königsberg natale de Kant) ou Riga, l’écrivain-voyageur néerlandais, né en 1959 et traduit pour la première fois en français, enquête. Et c’est en direct que l’on rencontre, au gré des cafés et des petits commerces, les différentes composantes de cette mosaïque culturelle. Quand il demande si ses interlocuteurs connaissent l’auteur de La promesse de l’aube, né Roman Kacew, la plus célèbre chanteuse de Lituanie, Maria Krupoves-Berg, s’exclame : « Elle est bien bonne, celle-là ! La sœur de ma grand-mère était la gouvernante de Romain Gary. » On apprend également que les grands-parents de Simon et Garfunkel sont des juifs de Vilnius. Et le spécialiste de la culture yiddish Dovid Katz de souligner « un aspect méconnu du folk américain : l’influence de l’Europe centrale à travers le yiddish ». Si certaines figures originaires de ces contrées nous sont proches, comme Romain Gary, d’autres nous sont inconnues, comme Loreta Asanaviciuté, jeune fille sage devenue martyre de l’indépendance. La jeune fille meurt écrasée par les chars soviétiques envoyés pour réprimer « la révolution chantante ». Le 23 août 1989, un demi-siècle jour pour jour après le pacte Molotov-Ribbentrop qui livra les pays Baltes à Staline, deux millions d’Estoniens, de Lettons et de Lituaniens formèrent une chaîne humaine sur les 600 km de la Voie balte en chantant a cappella. Loreta était de ceux qui avaient entonné l’hymne de liberté.

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La féodalité des barons germano-baltes qui possédaient 90 % des terres, les revirements d’alliances afin de survivre à l’oppresseur (entre les Allemands du IIIe Reich et les Soviétiques du régime stalinien, c’était la peste ou le choléra), les pogroms contre les juifs (des villes qui comptaient jusqu’à 80 % de juifs furent « épurées » de cette communauté)… C’est sans didactisme que l’auteur des Ames baltes nous raconte l’identité des nations baltes et la complexité de leurs parcours tragiques. Une histoire retiendra particulièrement l’attention de tout amoureux des livres : celle de Janis Roze, le plus grand libraire de Riga, qui fut déporté en Sibérie car, employeur d’une soixantaine de personnes, il était considéré par la police politique communiste comme un bourgeois ennemi du peuple. Sean James Rose

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