Avant-critique Roman noir

Amères loques. « Quand tout part de travers, la pire chose qu'on puisse faire, c'est penser. » Les courtes phrases de Benjamin Whitmer sont percutantes, grinçantes, mais aussi sèches que l'existence de Hack Turner en 1986 à Plainview, Colorado. Et l'auteur de Pike ou Évasion (Gallmeister, 2012 et 2018) s'y connaît en matière de destins arides, uniquement irrigués par ces mauvais alcools dont germent les pires orages de colère. Ces rafales de poings et de désillusions, Hack et son frère Whitey en ont essuyé quelques trombes dans leur bourgade miteuse, une company town comme on dit aux États-Unis pour définir ces mouroirs à ciel ouvert articulés autour d'une unique entreprise, ici une usine de plutonium aux normes de sécurité assassines. Ancien caïd du rodéo, aussi malmené par sa vie d'aujourd'hui qu'hier sur le dos des taureaux, Hack vivote sans conviction. Mais le plus dur s'annonce avec la disparition de son fils Randy. Les recherches secoueront le microcosme local et ses personnages fissurés. En corollaire de quatre jours de fébrilité paternelle se délieront les langues crochues et émergeront autant de solidarités douteuses que d'aigres vieilles rancunes. Plus industrielle et perchée que celles de James Lee Burke ou Craig Johnson, Dead Stars est une autopsie de l'Amérique rurale et ouvrière des eighties, avec son âpreté sociétale et ses incompatibilités diverses, pas foncièrement aux antipodes des constats actuels. Le rêve yankee s'éloigne et la bannière étiolée fonce tête baissée vers son présent métastasé.

Benjamin Whitmer
Dead stars
Gallmeister
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 26,90 € ; 592 p.
ISBN: 9782351783283

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