La réforme des rythmes scolaires va bouleverser l'emploi du temps des élèves et des enseignants. Elle va aussi singulièrement interroger les bibliothèques qui se trouvent impliquées de facto dans une réforme qui leur était étrangère. Doivent-elles y aller et surtout comment et avec quel projet ? Les équipes s'interrogent, hésitent. Pour l'heure, un répit est accordé à la grande majorité parce qu'il semble que seuls 22% des élèves ( voir sondage du JDD ) seront concernés par la réforme dès la prochaine rentrée. Il n'en demeure pas moins que la réflexion doit être attisée car des questions concrètes y sont attachées. Les bibliothécaires doivent-ils prendre part à l'acheminement des élèves jusqu'à la bibliothèque ? Comment faire face aux élèves et maintenir l'ordre sans la présence des enseignants ? Faut-il que l'intervention des bibliothécaires comporte une dimension explicitement pédagogique ? On m'a ainsi rapporté que dans une médiathèque, les responsables de la section vidéo ont refusé de prendre part au dispositif car les élèves auraient uniquement le temps de voir un film sans exploitation pédagogique dans la foulée... C'est un peu un moment clivant pour les bibliothèques. Jusqu'à présent, elles recevaient (en masse) les élèves dans le cadre de la visite de la classe. Cela conférait à la situation une composante scolaire constitutive. Les bibliothécaires pouvaient essayer de la contourner en montrant combien l'établissement offrait de ressources de loisirs mais la présence des élèves résultait d'une démarche du professeur et ceux-ci en avaient conscience. Le discours sur la gratuité du plaisir de lire était comme contredit de facto par la « captivité » du public enfantin. Désormais, la visite à la bibliothèque se fera dans un cadre plus ouvert, à côté d'autres activités sportives, ludiques ou manuelles. C'est dire que les bibliothèques ont la possibilité d'offrir leur visage sous un jour moins réducteur que sous l'angle scolaire. Elles ont en quelques sortes les moyens de leur autonomie, même si des problèmes logistiques, budgétaires et organisationnels risquent de la brider. Vont-elles assumer ce passage et ainsi mettre en retrait leur fonction pédagogique ? Comment la bibliothèque souhaite-t-elle apparaître aux yeux des enfants ? Bien sûr ces derniers continueront à penser ce lieu comme celui de l'étude tant l'image est ancrée dans la mémoire collective mais pourront-ils découvrir qu'elle s'adresse aussi à ceux qui entendent se divertir, jouer, se détendre ? N'est-ce pas en montrant aux enfants par la pratique que la bibliothèque sait s'adresser à cette partie d'eux-mêmes qu'elle saura leur fournir des raisons durables de s'y rendre ? Désormais les enfants pourront découvrir le lieu non plus en tant qu'élèves (ce qu'ils sont provisoirement) mais en tant que personnes (ce qu'ils seront toujours) ! C'est bien regrettable que ces questions ne soient pas soulevées de façon nationale. Ne seraient-ils pas nécessaire de rassembler des réflexions et des expériences sur le sujet de façon à éclairer les professionnels et les aider à élaborer leur stratégie ? Hélas, et ce n'est pas faute de le regretter depuis longtemps, on ne dispose pas de travaux solides évaluant les vertus (et éventuellement les effets pervers) de l'accueil de classe malgré la masse des 3,5 millions d'élèves reçus au moins une fois dans l'année en bibliothèque. Malgré tout, ce travail est indispensable car sinon les bibliothèques ne pourront faire autre chose qu'être le jouet des services scolaires ou jeunesse des municipalités. Elles n'auront pas les moyens intellectuels (mais éventuellement humains aussi) de construire positivement cette opportunité.
15.10 2013

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